Introduction
Le Mali, le Niger et le Burkina Faso, trois pays sahéliens confrontés à l’insécurité chronique, à la pauvreté et à la pression internationale, ont récemment scellé une alliance politique et militaire inédite. Ce « bloc souverainiste », né du rejet de la présence militaire occidentale et du désir de reprendre la main sur leur destin, cherche désormais de nouveaux partenaires pour assurer sa survie et son développement. Africanova analyse les enjeux, les stratégies et les risques de cette recomposition géopolitique majeure au cœur de l’Afrique de l’Ouest.
Un tournant historique : la fin de l’ère française
Depuis 2022, les juntes militaires au pouvoir à Bamako, Niamey et Ouagadougou ont multiplié les gestes de rupture avec la France et ses alliés occidentaux. Expulsion des bases militaires, dénonciation des accords de défense, fermeture des médias étrangers : l’axe souverainiste affiche sa volonté de rompre avec l’ordre postcolonial.
Cette stratégie séduit une partie des opinions publiques, lassées de l’inefficacité de la lutte contre le jihadisme et du sentiment d’humiliation nationale. Mais elle expose aussi ces pays à l’isolement diplomatique, à la réduction de l’aide internationale et à la pression de la CEDEAO.
Recherche de nouveaux partenaires : Moscou, Ankara, Pékin…
Pour compenser le retrait occidental, l’axe Mali-Niger-Burkina Faso multiplie les ouvertures vers la Russie, la Turquie, la Chine et les puissances du Golfe. La présence de la société Wagner au Mali, les livraisons d’armes turques, les investissements chinois dans les infrastructures témoignent de cette diversification tous azimuts.
Mais ces nouveaux partenariats ne sont pas sans risques : dépendance accrue, manque de transparence, ingérences et parfois instrumentalisation des conflits locaux à des fins géopolitiques. La Russie, en particulier, avance ses pions dans la région, au risque d’alimenter de nouvelles tensions avec les puissances occidentales.
Les défis sécuritaires et économiques
L’axe souverainiste fait face à une situation sécuritaire dramatique : multiplication des attaques jihadistes, violences intercommunautaires, effondrement des services publics. Les armées nationales, malgré le soutien de nouveaux partenaires, peinent à reprendre le contrôle du territoire.
Sur le plan économique, l’isolement international complique l’accès aux financements, à l’aide humanitaire et aux marchés. Les populations, premières victimes de l’instabilité, attendent des résultats concrets en matière de sécurité, d’emploi et de développement.
Les réactions africaines et internationales
La CEDEAO, l’Union africaine et l’ONU s’inquiètent de la montée des tensions et de la fragilisation de la coopération régionale. Certains voisins, comme la Guinée ou l’Algérie, affichent une solidarité prudente, tandis que d’autres, comme la Côte d’Ivoire ou le Ghana, dénoncent une fuite en avant dangereuse.
Les partenaires occidentaux, privés de relais sur le terrain, s’interrogent sur leur stratégie : faut-il maintenir la pression ou renouer le dialogue ? Les États-Unis, la France et l’Union européenne cherchent à préserver leurs intérêts tout en évitant une rupture totale.
Perspectives : vers une nouvelle donne sahélienne ?
L’axe souverainiste Mali-Niger-Burkina Faso pourrait inspirer d’autres pays africains tentés par la reprise en main de leur souveraineté. Mais le succès de cette stratégie dépendra de la capacité à garantir la sécurité, à diversifier les partenariats sans perdre leur autonomie, et à répondre aux attentes des populations.
Conclusion
La recomposition géopolitique en Afrique de l’Ouest est en marche. L’axe souverainiste, en quête de nouveaux alliés, doit relever le défi de la sécurité, du développement et de l’indépendance réelle. Le pari est risqué, mais il pourrait redéfinir les équilibres régionaux pour la décennie à venir.
