C’est une histoire de survie et d’espoir qui a ému toute la Somalie : trois pêcheurs, portés disparus depuis plus de six mois après une tempête en mer d’Arabie, ont été retrouvés vivants et ont pu rejoindre leurs familles à Mogadiscio. Leur odyssée, symbole de la résilience somalienne face à l’adversité, met en lumière les dangers du métier, la solidarité communautaire et la nécessité de renforcer la sécurité maritime dans la Corne de l’Afrique.
Naufrage, disparition et silence
Le 3 décembre 2024, un petit bateau de pêche quitte le port de Bosaso, au Puntland, avec à son bord trois hommes : Ahmed, 42 ans, capitaine aguerri ; Yusuf, 29 ans, père de deux enfants ; et le jeune Abdi, 19 ans, apprenti pêcheur. Leur objectif : rejoindre une zone poissonneuse au large, malgré les avertissements de tempête.
Le soir même, la radio perd leur signal. Les familles alertent les garde-côtes, mais les recherches, entravées par le mauvais temps et le manque de moyens, restent vaines. Pendant des semaines, aucune trace. Les proches organisent des veillées de prière, la communauté collecte des fonds pour poursuivre les recherches, en vain.
Une odyssée de survie
Contre toute attente, en mai 2025, un navire marchand indien repère une embarcation à la dérive près des côtes du Yémen. À bord : Ahmed, Yusuf et Abdi, amaigris mais vivants. Leur récit bouleverse :
- Six mois de dérive : après la tempête, le moteur tombe en panne, les vivres s’épuisent. Les trois hommes survivent en rationnant l’eau de pluie et en pêchant à la main.
- Solidarité indéfectible : « Sans Ahmed, nous serions morts. Il nous a appris à garder espoir et à prier chaque jour », confie Abdi.
- Rencontre avec des pêcheurs yéménites : recueillis, soignés, puis rapatriés grâce à la Croix-Rouge et à l’ambassade de Somalie.

Accueil à Mogadiscio : émotion nationale
Le retour des trois pêcheurs, accueilli par des centaines de personnes à l’aéroport, a suscité une vague d’émotion. Les médias somaliens en font leur une, les réseaux sociaux saluent la résilience des survivants.
« C’est un miracle. Nous n’avons jamais perdu espoir », déclare la mère d’Ahmed, en larmes.
Le président somalien, Hassan Sheikh Mohamud, a reçu les rescapés au palais présidentiel, saluant « le courage et la foi » des trois hommes, et promettant des mesures pour améliorer la sécurité des pêcheurs.
Les dangers du métier de pêcheur en Somalie
La Somalie, dotée de la plus longue façade maritime d’Afrique continentale, compte plus de 100 000 pêcheurs. Mais le secteur reste précaire :
- Matériel vétuste : la majorité des embarcations sont dépourvues de balises, de radios ou de gilets de sauvetage.
- Piraterie et insécurité : la menace des groupes armés et des pirates persiste, notamment dans le nord.
- Changements climatiques : tempêtes plus fréquentes, raréfaction des ressources halieutiques.
Les ONG appellent à un plan national de modernisation de la pêche et à une coopération régionale pour renforcer la surveillance maritime.
Solidarité et entraide communautaire
L’histoire d’Ahmed, Yusuf et Abdi a mis en lumière la force des solidarités locales :
- Collectes de fonds pour soutenir les familles pendant la disparition.
- Réseaux de pêcheurs mobilisés pour partager informations et ressources.
- Appui des ONG : la Croix-Rouge, Médecins Sans Frontières et des associations locales ont joué un rôle clé dans le rapatriement et le suivi psychologique des survivants.
Analyse : la résilience somalienne à l’épreuve
Au-delà de l’émotion, cette histoire révèle la capacité de la société somalienne à faire face à l’adversité, malgré la fragilité de l’État et l’insécurité chronique. Elle rappelle aussi l’urgence d’investir dans la sécurité maritime, la formation des pêcheurs et la modernisation du secteur, pour éviter de nouveaux drames.
La résilience, valeur cardinale de la culture somalienne, s’est exprimée dans la patience, la foi et la solidarité. Mais elle ne saurait remplacer des politiques publiques ambitieuses, attendues par toute une profession.