Un constat alarmant à mi-parcours
En juin 2025, à l’occasion de la Journée mondiale contre le travail des enfants, plusieurs ONG et agences onusiennes publient un rapport sans appel : l’Afrique subsaharienne ne parviendra pas à atteindre les objectifs fixés pour 2025 en matière de lutte contre le travail des enfants. Malgré des progrès dans certains pays, la tendance globale reste préoccupante : plus de 86 millions d’enfants africains seraient encore concernés, soit près d’un sur cinq.
Pourquoi la lutte piétine
Le rapport, coordonné par l’UNICEF, l’OIT et Save the Children, pointe plusieurs facteurs :
- Pauvreté persistante : la crise économique post-pandémie et l’inflation alimentaire poussent de nombreuses familles à recourir au travail des enfants pour survivre.
- Conflits et déplacements : au Sahel, en RDC, au Soudan du Sud, la guerre et l’insécurité privent des millions d’enfants d’école et les exposent à l’exploitation.
- Normes culturelles : dans certaines régions, le travail des enfants reste perçu comme une étape normale de la vie, malgré les campagnes de sensibilisation.
Des lois, mais une application inégale
Si la majorité des pays africains ont adopté des lois interdisant le travail des enfants, leur application reste inégale. Les inspections du travail sont rares, les sanctions peu dissuasives, et la corruption freine les poursuites.
Dans le secteur agricole, notamment le cacao en Côte d’Ivoire ou le coton au Burkina Faso, la traçabilité reste difficile et les enfants continuent de travailler dans des conditions dangereuses.
Initiatives et bonnes pratiques
Malgré ce sombre tableau, des initiatives locales montrent qu’il est possible de progresser :
- Au Ghana, le programme « Child Labour Free Zones » a permis de réinsérer plus de 5 000 enfants à l’école en 2024.
- Au Nigeria, des transferts monétaires ciblés ont réduit la dépendance au travail des enfants dans certaines communautés rurales.
- Au Kenya, des campagnes de sensibilisation impliquant chefs religieux et leaders communautaires commencent à porter leurs fruits.

Témoignages du terrain
Fatoumata, 13 ans, au Burkina Faso, raconte :
« Je travaillais au marché pour aider ma famille. Grâce à une ONG, j’ai pu retourner à l’école. Mais beaucoup de mes amis travaillent encore. »
Un inspecteur du travail ivoirien confie :
« Nous manquons de moyens pour contrôler toutes les plantations. Il faut plus de volonté politique et d’engagement des entreprises. »
Appels à l’action
Les ONG appellent à une mobilisation urgente :
- Renforcer les filets sociaux pour protéger les familles les plus vulnérables.
- Investir dans l’éducation et la formation professionnelle.
- Impliquer les entreprises pour garantir la traçabilité et l’éthique dans les chaînes d’approvisionnement.
La Banque africaine de développement estime qu’un investissement de 2 % du PIB dans l’éducation permettrait de réduire de moitié le travail des enfants en dix ans.
Analyse et perspectives
La lutte contre le travail des enfants en Afrique est à un tournant. Sans une mobilisation accrue des États, du secteur privé et de la société civile, les progrès resteront fragiles. Les prochaines années seront décisives pour éviter une génération sacrifiée et permettre à tous les enfants africains d’accéder à l’éducation et à un avenir digne.