L’annonce a fait l’effet d’une bombe dans le monde de la philanthropie et du développement. Le 2 juin 2025, Bill Gates a révélé lors d’une conférence à Nairobi qu’il consacrerait la majeure partie de sa fortune personnelle – estimée à plus de 120 milliards de dollars – à des projets en Afrique au cours des vingt prochaines années. Cette décision, saluée par de nombreux dirigeants africains, suscite autant d’espoirs que d’interrogations sur la portée réelle et les motivations de ce geste spectaculaire.
Une philanthropie à l’échelle continentale
Bill Gates n’est pas un inconnu en Afrique. Depuis plus de vingt ans, la fondation Bill & Melinda Gates investit massivement dans la santé, l’agriculture, l’éducation et l’accès à l’eau sur le continent. Mais l’engagement annoncé en 2025 marque un changement d’échelle : il s’agit de la plus grande promesse de don jamais faite à l’Afrique par un individu. Les fonds seront alloués à des programmes de vaccination, de lutte contre le paludisme, de soutien à l’innovation agricole, de développement des infrastructures numériques et de promotion de l’entrepreneuriat féminin.
Selon Gates, « l’Afrique est le continent de l’avenir, celui où l’impact de chaque dollar investi est le plus grand. Nous voulons accompagner cette dynamique et accélérer la transformation positive déjà à l’œuvre. »
Des réactions enthousiastes mais prudentes
Les présidents du Nigeria, du Kenya, du Sénégal et de l’Éthiopie ont salué l’initiative, y voyant une opportunité historique pour financer des projets structurants. Les ONG africaines, habituées à travailler avec la fondation Gates, espèrent un effet d’entraînement sur d’autres grands donateurs internationaux. « C’est une chance unique pour l’Afrique de prendre en main son développement avec des moyens inédits », estime Fatou Bâ, directrice d’une ONG de santé communautaire à Dakar.
Mais certains experts appellent à la prudence. Ils rappellent que les promesses de dons, aussi importantes soient-elles, ne suffisent pas à transformer durablement les sociétés si elles ne s’accompagnent pas de réformes structurelles et d’une appropriation locale des projets. D’autres s’interrogent sur la gouvernance, la transparence et la capacité des États africains à absorber des flux financiers aussi massifs.
Un enjeu d’influence et de soft power
L’annonce de Bill Gates intervient dans un contexte de compétition accrue entre grandes puissances pour l’influence en Afrique. La Chine, la Russie, la Turquie et les pays du Golfe multiplient les investissements et les partenariats stratégiques sur le continent. Certains analystes voient dans la philanthropie XXL de Gates une forme de « soft power » occidental, destinée à promouvoir un modèle de développement fondé sur l’innovation, la santé et l’éducation, en contraste avec les approches plus commerciales ou sécuritaires de la Chine ou de la Russie.
La fondation Gates insiste sur son indépendance et son partenariat avec les acteurs locaux. Mais la question de la souveraineté africaine dans le choix des priorités et la gestion des programmes reste posée.

Des défis immenses à relever
Les besoins de l’Afrique sont colossaux. Plus de 400 millions d’Africains vivent encore sous le seuil de pauvreté, et les défis en matière de santé, d’éducation, d’emploi et d’environnement sont immenses. Les précédentes vagues d’aide internationale ont parfois échoué à produire des résultats durables, faute de coordination, de suivi et d’adaptation aux réalités locales.
Bill Gates affirme vouloir tirer les leçons du passé en privilégiant les approches participatives, l’innovation technologique et l’évaluation rigoureuse des impacts. Des comités consultatifs africains seront mis en place pour orienter les choix stratégiques et garantir la transparence des financements.
Un pari sur la jeunesse et l’innovation
L’un des axes majeurs de la nouvelle stratégie philanthropique sera le soutien à l’entrepreneuriat des jeunes et des femmes, considérés comme les moteurs du développement africain. Des fonds spécifiques seront alloués à la formation, à l’accès au crédit et à l’incubation de start-ups dans les secteurs du numérique, de l’agriculture durable et de la santé.
Gates mise aussi sur la révolution numérique pour accélérer la transformation du continent. La connectivité, l’accès à Internet et la digitalisation des services publics seront au cœur des nouveaux programmes, avec l’ambition de faire de l’Afrique un laboratoire mondial d’innovation sociale.
Un engagement qui fera date ?
L’annonce de Bill Gates marque une étape majeure dans l’histoire de la philanthropie mondiale. Si elle tient ses promesses, elle pourrait changer le visage de l’Afrique à l’horizon 2045. Mais le succès de cette initiative dépendra de la capacité des acteurs africains à s’approprier les projets, à garantir la transparence et à s’assurer que chaque dollar investi bénéficie réellement aux populations.