ZLECAf : état des lieux 2025, avancées concrètes et défis critiques pour l’intégration économique africaine

Introduction

La Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), lancée officiellement le 1er janvier 2021, est la plus grande zone de libre-échange au monde en termes de nombre de pays participants : 54 États africains sur 55. Son ambition est de créer un marché unique de 1,3 milliard de consommateurs et de dynamiser le commerce intra-africain, qui ne représente encore que 15 % du commerce total du continent13. En 2025, alors que la phase opérationnelle est bien engagée, il est crucial d’analyser les faits matériels, les progrès réels, les freins et les perspectives de cette initiative phare.

Progrès tangibles depuis 2021

Augmentation des échanges intra-africains

Selon la Banque mondiale, la ZLECAf devrait permettre une augmentation du volume des échanges intra-africains de 52,3 % d’ici fin 20251. Cette croissance s’appuie sur la suppression progressive des droits de douane sur 90 % des marchandises échangées, avec un calendrier différencié entre pays moins avancés (PMA) et non-PMA6. Certains pays ont déjà réduit leurs barrières tarifaires, facilitant ainsi les flux commerciaux.

Diversification sectorielle

Le commerce intra-africain ne se limite plus aux matières premières. La ZLECAf stimule l’expansion de secteurs clés : agroalimentaire (+60 %), industrie manufacturière (+48 %), services (+34 %) et énergie/mines (+28 %) d’ici 20452. Cette diversification est essentielle pour réduire la dépendance aux exportations de ressources brutes et favoriser l’industrialisation.

Harmonisation réglementaire et facilitation douanière

Des efforts notables ont été faits pour harmoniser les normes sanitaires, phytosanitaires et techniques, ainsi que pour simplifier les procédures douanières via la digitalisation. L’Union africaine a mis en place un observatoire du commerce pour suivre la mise en œuvre et résoudre les obstacles7.

Développement des infrastructures

L’amélioration des corridors logistiques, ports, routes et systèmes de transport est une priorité pour réduire les coûts de transaction, qui restent élevés en Afrique (environ 15 % du coût des marchandises)6. Des projets régionaux comme le corridor de Lobito ou le corridor Abidjan-Lagos sont en cours pour fluidifier les échanges.

Enjeux critiques et défis persistants

Barrières non tarifaires et fragmentation réglementaire

Malgré la suppression des droits de douane, les barrières non tarifaires (contrôles aux frontières, quotas, normes divergentes) continuent de freiner le commerce. La multiplicité des régulations nationales et le manque d’harmonisation complète ralentissent la fluidité des échanges64.

Disparités économiques et capacités institutionnelles

Les pays africains sont à des niveaux de développement très hétérogènes. Les PMA bénéficient d’un traitement différencié, mais leur faible capacité productive limite leur participation effective au commerce intra-africain. Le manque d’infrastructures, de financement et de compétences freine l’intégration économique5.

Sécurité et instabilité politique

Les conflits armés, les tensions sociales et les crises politiques dans certaines régions (Sahel, Corne de l’Afrique, Afrique centrale) perturbent les chaînes d’approvisionnement et découragent les investissements. La stabilité est un facteur clé pour la réussite de la ZLECAf2.

Faible industrialisation et dépendance aux importations

L’Afrique reste largement importatrice de produits manufacturés. La ZLECAf vise à stimuler l’industrialisation locale, mais cela nécessite des investissements massifs, des politiques industrielles cohérentes et un environnement des affaires attractif64.

Opportunités stratégiques à saisir

Intégration dans les chaînes de valeur régionales

La ZLECAf favorise la création de chaînes de valeur régionales, permettant la transformation locale des matières premières et la montée en gamme des produits. Cela peut générer des emplois, augmenter la valeur ajoutée et renforcer la compétitivité5.

Développement du commerce numérique

Le commerce électronique intra-africain est en croissance, porté par la digitalisation et la pénétration mobile. La ZLECAf encourage la facilitation du commerce numérique, la protection des données et l’adoption de technologies innovantes pour réduire les coûts et élargir l’accès aux marchés5.

Renforcement des partenariats internationaux

La ZLECAf améliore la position de négociation de l’Afrique dans les accords commerciaux globaux. Elle facilite aussi les échanges avec des marchés émergents comme la Chine, l’Inde et la Turquie, renforçant la résilience face aux chocs mondiaux5.

Mobilisation des investissements et financement

L’Afrique doit attirer des investissements pour moderniser ses infrastructures, développer ses industries et soutenir les PME. La ZLECAf est un levier pour convaincre les investisseurs internationaux, notamment via des partenariats public-privé et des mécanismes financiers innovants6.

Perspectives et recommandations pour 2025-2030

  • Renforcer la coordination régionale et continentale : accélérer l’harmonisation des réglementations, créer des guichets uniques et améliorer la coopération douanière.
  • Investir massivement dans les infrastructures : routes, ports, énergie, télécommunications pour réduire les coûts logistiques.
  • Soutenir l’industrialisation et la diversification économique : promouvoir les secteurs manufacturiers, agroalimentaires et technologiques.
  • Améliorer la gouvernance et la sécurité : garantir la stabilité politique et la sécurité pour attirer les investissements.
  • Favoriser l’inclusion des PME et des pays moins avancés : faciliter l’accès au financement et aux marchés.
  • Développer le commerce numérique et les innovations : renforcer les capacités numériques et la protection des données.

Conclusion

La ZLECAf est un levier stratégique pour transformer l’économie africaine, stimuler le commerce intra-continental et impulser une industrialisation durable. En 2025, les premiers résultats sont encourageants, mais la réussite dépendra de la capacité des États africains à relever les défis structurels, à investir dans les infrastructures et à créer un environnement propice à la croissance inclusive.

La pleine mise en œuvre de la ZLECAf pourrait faire de l’Afrique un moteur de croissance mondiale, concrétisant la vision de l’Agenda 2063 : une Afrique intégrée, prospère et pacifique.

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