Introduction
Le 7 mai 2025, la Commission européenne a officiellement proposé de mettre fin à toutes les importations de gaz russe d’ici la fin 2027. Cette décision stratégique, prise dans le sillage de la guerre en Ukraine et de la crise énergétique qui a secoué le continent depuis 2022, marque un tournant historique pour l’Union européenne (UE). Elle vise à renforcer l’indépendance énergétique du bloc, accélérer la transition verte et réduire les vulnérabilités géopolitiques face à Moscou. Mais ce choix implique des défis colossaux en matière d’approvisionnement, de compétitivité industrielle et de solidarité entre États membres.
Un contexte de rupture avec la Russie
La guerre en Ukraine, catalyseur du changement
Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, l’UE a progressivement réduit sa dépendance au gaz russe, qui représentait encore 40 % de ses importations en 2021. Les sanctions, la fermeture du gazoduc Nord Stream et la recherche de fournisseurs alternatifs ont profondément bouleversé le marché européen de l’énergie.
Une décision politique et géostratégique
La proposition de la Commission, soutenue par les principaux États membres, s’inscrit dans une volonté d’affirmer l’autonomie stratégique de l’Europe. Elle répond aussi à la pression de l’opinion publique, qui exige la fin du financement indirect de la machine de guerre russe par les achats de gaz.
Les défis de l’indépendance énergétique
Diversification des sources d’approvisionnement
Pour compenser l’arrêt du gaz russe, l’UE mise sur la diversification : augmentation des importations de gaz naturel liquéfié (GNL) depuis les États-Unis, le Qatar, le Nigeria ; développement des interconnexions gazières entre pays membres ; investissements dans les terminaux méthaniers et les infrastructures de stockage.

Accélération de la transition verte
La crise du gaz a accéléré les investissements dans les énergies renouvelables (solaire, éolien, hydrogène vert) et l’efficacité énergétique. Le plan REPowerEU, doté de plus de 300 milliards d’euros, vise à réduire la consommation de gaz fossile de 30 % d’ici 2030 et à atteindre la neutralité carbone en 2050.
Solidarité et cohésion européenne
La fin du gaz russe pose la question de la solidarité entre États membres, certains (Allemagne, Autriche, Hongrie) étant plus dépendants que d’autres. L’UE a mis en place des mécanismes de partage des ressources et de mutualisation des achats pour éviter les pénuries et la flambée des prix.
Les impacts sur la compétitivité européenne
Hausse des coûts énergétiques
Selon le rapport 2025 de la Commission européenne, les prix de l’énergie et de l’électricité restent 2 à 3 fois plus élevés qu’aux États-Unis7. Cette situation pèse sur la compétitivité des entreprises européennes, en particulier dans l’industrie lourde et la chimie, qui dépendent fortement du gaz pour leur production.
Risque de désindustrialisation
La hausse des coûts et la concurrence internationale menacent certains secteurs stratégiques. Plusieurs groupes industriels ont déjà annoncé des plans de délocalisation partielle ou de réduction de la production. La Commission plaide pour un « Clean Industrial Deal » afin de soutenir la réindustrialisation verte et l’innovation.
Innovation, digitalisation et compétences
Face à ces défis, l’UE mise sur l’innovation, le soutien aux start-up, la digitalisation et la formation de la main-d’œuvre. La « Boussole de la compétitivité » adoptée en 2025 fixe des objectifs ambitieux : réduction des barrières au marché unique, simplification administrative, mobilisation de l’épargne privée pour financer la transition.
Les enjeux géopolitiques et stratégiques
Sécurisation des approvisionnements
La diversification des fournisseurs expose l’UE à de nouveaux risques géopolitiques, notamment au Moyen-Orient et en Afrique de l’Ouest. La sécurisation des routes d’approvisionnement, la résilience des infrastructures et la coopération avec les partenaires stratégiques deviennent des priorités.

Redéfinition des relations avec la Russie
La fin des importations de gaz russe acte la rupture énergétique avec Moscou. Cela prive la Russie d’une source majeure de revenus, mais pousse aussi le Kremlin à renforcer ses liens avec l’Asie, notamment la Chine. L’UE doit anticiper les conséquences de ce réalignement sur la sécurité et la stabilité du continent.
Perspectives et feuille de route
Vers une Europe plus souveraine et verte
La décision de mettre fin au gaz russe est un pari sur l’avenir : celui d’une Europe plus souveraine, plus verte et plus résiliente. Mais la réussite dépendra de la capacité à investir massivement dans les renouvelables, à soutenir les industries exposées et à garantir la solidarité entre États membres.
Les prochaines étapes
Le Parlement européen et le Conseil devront adopter la proposition de la Commission dans les prochains mois. Des négociations intenses sont attendues, notamment sur les calendriers, les exemptions et les mécanismes de compensation pour les secteurs les plus touchés.
Conclusion
La proposition de l’UE de mettre fin aux importations de gaz russe d’ici 2027 est une révolution énergétique et géopolitique. Elle ouvre la voie à une Europe plus indépendante, mais impose des défis majeurs en matière de compétitivité, de solidarité et d’innovation. La réussite de cette transition sera déterminante pour l’avenir du continent.