Turquie : Erdogan, la loi anti-LGBT et le virage répressif – Un test pour la démocratie et les droits humains
Istanbul, 23 avril 2025 –
La Turquie traverse une nouvelle phase de crispation politique et sociale. Le président Recep Tayyip Erdogan, déjà connu pour son autoritarisme croissant, a franchi une nouvelle étape avec l’adoption d’une loi controversée visant à criminaliser les minorités LGBT. Cette législation, qui suscite l’indignation en Turquie et à l’international, marque un tournant dans la stratégie du pouvoir : instrumentaliser la question des droits sexuels pour renforcer sa base conservatrice, détourner l’attention des crises économiques et marginaliser toute opposition.
Une loi aux conséquences radicales
Adoptée en avril 2025 par le Parlement, la nouvelle loi interdit la « promotion » de l’homosexualité dans l’espace public, les médias, l’éducation et la culture. Elle prévoit des peines de prison pour les militants, les organisateurs d’événements LGBT, les enseignants et les journalistes accusés de « propagande ». Les marches des fiertés, déjà régulièrement réprimées, sont désormais formellement interdites.
Des centaines de personnes ont été arrêtées lors de rassemblements pacifiques à Istanbul, Ankara et Izmir. Les associations de défense des droits humains dénoncent une « chasse aux sorcières » et une aggravation de la violence homophobe.
Une stratégie politique assumée
Pour Erdogan et l’AKP, cette loi s’inscrit dans une logique de reconquête électorale. Confronté à une inflation record, à la dépréciation de la livre turque et à une contestation sociale persistante, le pouvoir cherche à ressouder son électorat conservateur autour de valeurs « traditionnelles ».
La rhétorique officielle assimile les revendications LGBT à une menace pour la famille, la religion et l’identité nationale. Les médias progouvernementaux multiplient les campagnes de stigmatisation, tandis que l’opposition peine à s’unir face à la répression.
Un climat de peur et d’autocensure
Les conséquences sont immédiates pour la communauté LGBT turque :
- Fermeture de centres d’accueil et d’associations,
- Censure de films, livres et œuvres artistiques,
- Licenciements d’enseignants et de fonctionnaires soupçonnés de « sympathies LGBT »,
- Multiplication des agressions et des discours de haine.

De nombreux militants choisissent l’exil ou la clandestinité. Les réseaux sociaux, longtemps espaces de liberté, sont surveillés et censurés. La peur s’installe jusque dans les familles, où le coming out devient impossible.
Des réactions internationales vives mais limitées
L’Union européenne, les États-Unis et plusieurs ONG internationales ont condamné la loi, appelant Ankara à respecter ses engagements en matière de droits humains. Mais la Turquie, forte de son rôle stratégique dans l’OTAN et la gestion des flux migratoires, mise sur le relatif silence des grandes puissances.
Des manifestations de solidarité ont eu lieu à Berlin, Paris, Londres et New York, mais leur impact sur la politique turque reste limité.
La société civile turque entre résistance et résilience
Malgré la répression, des voix continuent de s’élever. Des collectifs féministes, des syndicats, des artistes et des universitaires dénoncent la dérive autoritaire et appellent à la solidarité avec les minorités. Des réseaux clandestins d’entraide se mettent en place pour soutenir les victimes d’arrestations et d’agressions.
La jeunesse urbaine, en particulier, refuse de céder à la peur et multiplie les initiatives créatives pour contourner la censure.
Un test pour la démocratie turque
La loi anti-LGBT s’inscrit dans un contexte plus large de régression des libertés en Turquie :
- Arrestations massives d’opposants politiques,
- Contrôle accru des médias,
- Limitation du droit de manifester,
- Instrumentalisation de la justice à des fins politiques.
Pour de nombreux observateurs, la question LGBT est un révélateur de l’état de la démocratie turque. La capacité de la société à résister à la dérive autoritaire sera déterminante pour l’avenir du pays.
Perspectives et enjeux régionaux
La Turquie n’est pas un cas isolé. Plusieurs pays d’Europe de l’Est, du Moyen-Orient et d’Afrique ont adopté des lois similaires ces dernières années, dans un contexte de montée des populismes et de recul des droits humains.
Le sort des minorités LGBT devient ainsi un baromètre de la santé démocratique et du respect des libertés fondamentales à l’échelle régionale.
Conclusion
La criminalisation des minorités LGBT en Turquie marque une rupture majeure dans l’histoire du pays et un défi pour la communauté internationale. Au-delà de la question des droits sexuels, c’est la démocratie, la liberté d’expression et la capacité de résistance de la société civile qui sont en jeu. L’avenir dira si la Turquie saura retrouver le chemin de l’ouverture et du respect des droits de tous ses citoyens.