Introduction : Un rendez-vous attendu avec la réalité tunisienne
En cette mi-2025, la Tunisie dresse le bilan d’une décennie d’efforts institutionnels et citoyens contre le racisme, alors que l’actualité internationale a remis la question des discriminations en Afrique du Nord au centre des débats. Entre cadres législatifs, mobilisations populaires et défis persistants, la société tunisienne cherche à évaluer la portée réelle des mesures prises, tout en s’interrogeant sur les freins qui subsistent à l’inclusion et à la reconnaissance de ses minorités, qu’elles soient d’origine subsaharienne, amazighe ou noire tunisienne.
Un arsenal juridique renforcé : avancées et limites
Depuis la promulgation de la loi n°50 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale en 2018, la Tunisie fait figure de pionnière en Afrique du Nord par sa volonté d’ancrer le principe d’égalité dans son droit. Des guichets de signalement ont été ouverts, et les premières condamnations de faits racistes sont tombées, envoyant un signal fort à la société.
Le rapport 2025 de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme fait état d’une « progression lente mais réelle » du nombre de plaintes traitées par la justice et de la médiatisation des débats.
Pour autant, de nombreux acteurs associatifs insistent : « La loi existe, mais il faut encore former la police, l’école, la sphère de l’emploi et aller au-delà de la sanction pour atteindre la prévention. »
Entre progrès visibles et persistance des discriminations
Si certains secteurs comme les universités, la culture ou le sport ont fortement investi dans la sensibilisation, d’autres restent en retard. Les agressions verbales et physiques à l’encontre des migrants subsahariens ont parfois augmenté, notamment lors des tensions migratoires sur la côte sud. Le rapporteur spécial de l’ONU sur le racisme souligne « la corrélation forte entre climat économique, crispation politique et regain xénophobe ».
Les associations noires tunisiennes, de plus en plus présentes dans l’espace public, réclament la reconnaissance du racisme structurel : accès au logement, représentation dans la fonction publique, visibilité dans les médias sont autant de chantiers cités comme prioritaires.
La société civile en première ligne
Des campagnes comme #MonNoirEstBeau ou « Tunisie Plurielle » ont contribué à libérer la parole, brisant un tabou longtemps ignoré au Maghreb. Des ateliers de formation, des festivals afro-tunisiens et des programmes scolaires expérimentaux voient le jour dans plusieurs régions.
Pour Houssem Bouguerra, coordinateur du Forum tunisien pour l’égalité,
« le défi pour 2025 n’est plus de reconnaître le problème, mais d’agir au quotidien, notamment à la campagne et dans les petites villes. »
Plusieurs ONG nationales et internationales insistent : l’accès à un accompagnement juridique gratuit pour les victimes doit devenir effectif partout sur le territoire.

Les défis politiques et économiques
L’entrée de la Tunisie dans une nouvelle phase de réformes économiques, sous supervision internationale, n’est pas sans effets pervers : la précarité, le chômage et la course aux ressources tendent à exacerber les haines, surtout envers les étrangers les plus vulnérables.
La stabilité sociale passe donc par une inclusion économique réelle : micro-crédit, protection sociale, mutualisation des ressources sur le communautaire et encouragement de l’entrepreneuriat jeunes/migrants sont parmi les pistes citées.
Dans ce contexte, la nouvelle Stratégie nationale contre le racisme (2024-2027) prévoit un budget plus conséquent pour la prévention en milieu scolaire et la formation continue des agents de l’État, mais sa mise en œuvre est surveillée de près par la société civile.
Conclusion
En 2025, la Tunisie apparaît à la croisée des chemins : figures de proue de la lutte contre le racisme sur le plan législatif côté Maghreb, elle doit désormais relever le défi de la cohésion sociale et de l’égalité de fait, afin d’incarner un modèle africain d’inclusion et de diversité, reconnu non seulement dans les textes mais dans la réalité vécue de chaque citoyen.