En 2025, l’Afrique incarne un paradoxe énergétique : elle abrite 60 % des meilleures ressources solaires mondiales mais reste dépendante à 55 % des énergies fossiles pour sa consommation. Alors que les pays du Nord poussent à une transition accélérée vers les renouvelables, les États africains défendent leur droit à exploiter gaz et pétrole pour financer leur développement. Ce débat cristallise les tensions entre urgences climatiques, souveraineté économique et équité Nord-Sud.
Gaz naturel : une ressource stratégique sous pression
Le Mozambique et la Mauritanie émergent comme hubs gaziers majeurs, attirant des investissements de TotalEnergies, Eni et BP. Le projet Greater Tortue Ahmeyim (Sénégal-Mauritanie), doté de 4,8 milliards de dollars, vise à exporter du GNL vers l’Europe dès 2025. Ces projets créent des milliers d’emplois mais suscitent des critiques : ONG et scientifiques dénoncent les risques de fuites de méthane (84 fois plus réchauffant que le CO₂) et l’accaparement des terres.
Renouvelables : le solaire et l’éolien en plein boom
Malgré les défis, les énergies vertes progressent rapidement :
- Projets phares : Le complexe solaire Noor Midelt (Maroc) atteint 2 GW de capacité, alimentant 2 millions de foyers. En Afrique du Sud, le parc éolien Khobab (140 MW) approvisionne des mines en énergie propre.
- Mini-réseaux décentralisés : Au Kenya et Ouganda, des start-ups comme M-KOPA et ENGIE Energy Access équipent des villages de kits solaires payables via mobile money.
- Hydrogène vert : La Namibie et l’Afrique du Sud investissent massivement dans des usines d’ammoniac vert, visant l’export vers l’UE et l’Asie.
Financements climatiques : promesses non tenues et alternatives
Les pays riches n’ont honoré que 20 % des 100 milliards de dollars/an promis lors de la COP21. En réponse, l’Afrique développe des mécanismes innovants :
- Obligations vertes : Le Maroc et le Nigeria en émettent pour financer des fermes solaires et des réseaux de transport électrique.
- Partenariats Sud-Sud : L’Égypte collabore avec l’Inde pour construire des usines de panneaux solaires low-cost.
- Compensation carbone : Des projets de reforestation au Congo et Liberia génèrent des crédits carbone vendus aux multinationales.
Défis sociaux : emplois, accès et conflits d’usage
La transition énergétique crée des gagnants et des perdants. Les mines de charbon sud-africaines (employant 90 000 personnes) ferment progressivement, tandis que les formations aux métiers du solaire peinent à suivre. Parallèlement, 600 millions d’Africains n’ont toujours pas accès à l’électricité. Des solutions hybrides émergent : au Niger, des microcentrales solaires-diesel alimentent des hôpitaux et écoles.
Perspectives : vers un mix énergétique équilibré
L’UA promeut une Stratégie Africaine pour l’Énergie 2063, visant :
- Tripler la part des renouvelables (solaire, éolien, géothermie) d’ici 2030.
- Moderniser les infrastructures gazières pour réduire le charbon et le pétrole lampant.
- Créer un marché continental de l’électricité, inspiré du modèle européen.
En conclusion, l’Afrique refuse de choisir entre développement et climat. En combinant exploitation raisonnée des fossiles, déploiement massif des renouvelables et innovations financières, elle trace une voie médiane – exigeant cependant un soutien technique et financier accru du Nord.