Tanzanie : la pollution plastique étouffe le lac Victoria et menace les communautés côtières

Le lac Victoria, deuxième plus grand lac d’eau douce au monde, est aujourd’hui au cœur d’une crise écologique majeure qui menace non seulement la biodiversité aquatique mais aussi la survie des millions d’habitants qui vivent sur ses rives. En 2025, la pollution plastique atteint un niveau critique en Tanzanie, où les déchets non biodégradables s’accumulent en quantités alarmantes, étouffant les écosystèmes et compromettant les activités économiques traditionnelles telles que la pêche et l’agriculture.

La croissance démographique rapide dans les villes côtières comme Mwanza, combinée à un système de gestion des déchets inefficace, a transformé le lac en une véritable décharge. Chaque année, plus de 200 000 tonnes de plastique sont déversées dans le bassin, selon un rapport du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE). Ces déchets proviennent principalement des emballages alimentaires, des sacs plastiques et des bouteilles, dont la majorité n’est ni collectée ni recyclée.

Les conséquences sont multiples : les poissons ingèrent les microplastiques, ce qui entraîne une contamination de la chaîne alimentaire et des risques sanitaires pour les populations locales. Les filets de pêche se retrouvent souvent emmêlés dans des déchets flottants, réduisant les prises et aggravant la précarité des pêcheurs. Par ailleurs, les déchets plastiques bouchent les canaux d’irrigation et les systèmes d’évacuation des eaux pluviales, augmentant les risques d’inondations.

Site de Nkumba Bukolwa, ville de Katabi, district de Wakiso, Ouganda – Dans une décharge située dans une zone humide du lac, un homme nettoie des sacs plastiques récupérés parmi les collines de déchets, pour les revendre. Le colorant des sacs bleus à l’origine, se mélange à l’eau naturellement présente dans le marécage. Au fil des jours, il passera dans le lac. Traditionnellement, les zones humides exercent le rôle de filtre, purifiant l’eau de ruissellement dû notamment aux pluies, avant de les rejeter dans le lac. En s’établissant dans la zone humide pour des raisons économiques, des oubliés de la croissance ougandaise détruisent le filtre et contribuent à la pollution. Le dilemme est cruel : subvenir aux besoins de sa famille ou protéger le lac.

Face à cette urgence, des initiatives communautaires émergent. À Mwanza, l’association Clean Shores mobilise des volontaires pour des campagnes de nettoyage régulières, tout en sensibilisant les populations à la réduction de l’usage du plastique à usage unique. Le gouvernement tanzanien a adopté en 2024 une loi interdisant la production et la commercialisation des sacs plastiques non biodégradables, mais son application reste inégale, notamment dans les zones rurales.

Des partenariats internationaux ont également vu le jour. Le projet Lake Victoria Plastic Free financé par l’Union européenne vise à développer des filières de recyclage locales et à promouvoir l’économie circulaire. Des start-up tanzaniennes innovent en transformant les déchets plastiques en matériaux de construction ou en carburant alternatif, contribuant à la création d’emplois verts.

Cependant, les défis restent colossaux. Le manque d’infrastructures modernes de collecte et de traitement des déchets, l’insuffisance des financements et la faible coordination entre les pays riverains du lac – Tanzanie, Ouganda et Kenya – freinent les progrès. Le lac Victoria, ressource transfrontalière vitale, nécessite une gouvernance intégrée et concertée pour préserver son avenir.

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