Introduction
Le 7 mai 2025, Ahmad al-Charaa, président de la République arabe syrienne, a effectué sa première visite officielle en Europe depuis la chute du régime de Bachar al-Assad en 2024. Reçu à l’Élysée par Emmanuel Macron, al-Charaa a entamé une tournée diplomatique qui pourrait marquer le début d’une normalisation progressive de la Syrie sur la scène internationale. Cette visite, hautement symbolique, intervient dans un contexte de reconstruction difficile, de recomposition régionale et de débats sur la justice transitionnelle. Quelles sont les attentes, les enjeux et les perspectives de cette nouvelle ère syrienne ?
Le contexte d’une visite historique
Fin de la guerre et transition politique
Après plus de douze ans de guerre civile, la Syrie a vu la chute du régime Assad à l’été 2024, à la suite d’un soulèvement populaire et de l’épuisement du soutien russe. Un gouvernement de transition, dirigé par Ahmad al-Charaa, a été mis en place avec le soutien de l’ONU et de la Ligue arabe. Malgré la persistance de poches de violence, la majorité du territoire est désormais sous contrôle gouvernemental.
Des attentes immenses
La population syrienne, épuisée par la guerre, espère une amélioration rapide des conditions de vie, la reconstruction des infrastructures et un retour à la stabilité. Les réfugiés, dont plus de 5 millions vivent encore à l’étranger, attendent des garanties pour un retour en sécurité.
Les objectifs de la visite en Europe
Recherche de soutien à la reconstruction
Al-Charaa vient solliciter un appui financier et technique pour la reconstruction de la Syrie, dont les besoins sont estimés à plus de 350 milliards de dollars. La France, l’Allemagne et l’Union européenne sont appelées à jouer un rôle moteur, aux côtés des pays du Golfe et de la Banque mondiale.

Normalisation diplomatique
La visite vise aussi à réintégrer la Syrie dans le concert des nations, après des années d’isolement diplomatique. La participation de la Syrie à la prochaine conférence sur la sécurité de Munich et à la COP30 est déjà annoncée.
Justice transitionnelle et réconciliation
La question de la justice pour les crimes commis pendant la guerre reste centrale. Al-Charaa a promis la mise en place d’une commission vérité et réconciliation, l’ouverture des archives et la collaboration avec la Cour pénale internationale sur les dossiers les plus sensibles.
Les enjeux pour la France et l’Europe
Un pari diplomatique risqué
Pour Emmanuel Macron, recevoir Ahmad al-Charaa est un pari : il s’agit de soutenir la transition démocratique tout en évitant de donner un blanc-seing à un régime encore fragile. Paris insiste sur le respect des droits humains, l’inclusion de toutes les composantes de la société syrienne et l’engagement en faveur de la justice.
Opportunités économiques et sécuritaires
La reconstruction de la Syrie offre des opportunités pour les entreprises européennes, notamment dans les secteurs de l’énergie, du bâtiment, de l’eau et des télécommunications. La stabilité de la Syrie est également vue comme un facteur clé pour la sécurité régionale et la gestion des flux migratoires.
Les réactions internationales et régionales
Soutien prudent des alliés occidentaux
L’Union européenne, les États-Unis et le Royaume-Uni saluent la transition mais conditionnent leur aide à des avancées concrètes sur la démocratie, la lutte contre la corruption et la justice. Les pays du Golfe, notamment le Qatar et l’Arabie saoudite, ont déjà annoncé des investissements majeurs.
Réserves de la Russie et de l’Iran
Moscou, affaiblie par la guerre en Ukraine, et Téhéran, confronté à ses propres défis internes, observent la nouvelle donne avec prudence. La Russie réclame des garanties pour ses intérêts économiques et militaires en Syrie, tandis que l’Iran tente de préserver son influence dans la région.
Les défis de la reconstruction et de la réconciliation
Un pays à reconstruire
Les infrastructures (électricité, eau, routes, écoles, hôpitaux) sont en ruine. Le chômage, la pauvreté et l’insécurité alimentaire touchent plus de 60 % de la population. La priorité est à la réhabilitation des services de base, à la relance de l’agriculture et à la création d’emplois.
Réconciliation nationale et retour des réfugiés
Le retour des réfugiés dépendra de la capacité du gouvernement à garantir la sécurité, à respecter les droits de propriété et à promouvoir une réconciliation inclusive. Les ONG insistent sur la nécessité d’un dialogue national et de l’intégration des minorités.

Perspectives et conditions d’une normalisation
Vers une levée progressive des sanctions ?
L’Union européenne et les États-Unis envisagent une levée partielle des sanctions, conditionnée à des progrès sur la démocratie et la justice. Un plan d’aide international, coordonné avec la Banque mondiale et le Programme des Nations unies pour le développement, est en préparation.
Le rôle de l’ONU et de la société civile
L’ONU reste l’acteur clé de la transition, avec un mandat élargi pour superviser les élections, la réforme constitutionnelle et la distribution de l’aide. La société civile syrienne, longtemps muselée, commence à retrouver sa place dans le débat public.
Conclusion
La visite du président Ahmad al-Charaa en Europe symbolise l’ouverture d’une nouvelle ère pour la Syrie. Si les défis à relever sont immenses, la mobilisation internationale et la volonté de réconciliation offrent une lueur d’espoir pour un pays meurtri. La réussite de la transition syrienne dépendra de la capacité des acteurs à conjuguer justice, reconstruction et inclusion.