Somalie : Al Shabaab en reconquête – Menace régionale et défis pour la sécurité de la Corne de l’Afrique
Mogadiscio, 23 avril 2025 –
La Somalie, pays emblématique de la Corne de l’Afrique, fait face à une résurgence inquiétante du groupe djihadiste Al Shabaab. Après plusieurs années de reflux sous la pression des forces gouvernementales et de l’Union africaine, les insurgés islamistes semblent regagner du terrain, multipliant les attaques meurtrières et élargissant leur emprise territoriale. Cette dynamique alarmante menace non seulement la stabilité somalienne, mais aussi celle de toute la région.
Al Shabaab, une hydre à plusieurs têtes
Fondé en 2006, Al Shabaab a longtemps contrôlé de vastes portions du sud et du centre de la Somalie, imposant une version rigoriste de la charia et menant une guerre asymétrique contre l’État. Malgré la perte de Mogadiscio et de plusieurs bastions stratégiques, le groupe a su s’adapter, menant des attentats-suicides, des assassinats ciblés et des raids contre les forces de sécurité.
Depuis fin 2024, les rapports de l’ONU et de l’AMISOM (Mission de l’Union africaine en Somalie) font état d’une recrudescence des attaques : embuscades sur les routes, explosions à la voiture piégée à Mogadiscio, assauts contre des bases militaires dans le sud, enlèvements de responsables locaux. Le groupe profite du retrait progressif des troupes africaines et des divisions au sein du gouvernement somalien pour regagner du terrain.
Facteurs de la résurgence d’Al Shabaab
Plusieurs éléments expliquent cette dynamique :
- Retrait de l’AMISOM : Le calendrier de désengagement des troupes africaines, amorcé en 2023, a laissé des zones vacantes, rapidement réinvesties par les insurgés.
- Faiblesses de l’État somalien : Corruption, rivalités claniques, manque de moyens et instabilité politique minent la capacité de l’État à assurer la sécurité.
- Appui logistique et financier : Al Shabaab tire profit de réseaux de contrebande, de taxation illégale et de soutiens extérieurs, notamment dans la diaspora.
- Propagande et enrôlement : Le groupe exploite la pauvreté, le chômage et le ressentiment envers les autorités pour recruter de nouveaux combattants, y compris des enfants.

Conséquences pour la Somalie et la région
La montée en puissance d’Al Shabaab a des répercussions multiples :
- Sécurité intérieure : Les civils paient un lourd tribut. Depuis janvier 2025, plus de 1 200 morts sont à déplorer dans des attaques revendiquées par le groupe. Les écoles, les marchés et les lieux de culte sont régulièrement ciblés.
- Crise humanitaire : Les déplacements forcés se multiplient, aggravant une situation déjà critique marquée par la sécheresse, la famine et les épidémies.
- Menace régionale : Al Shabaab a revendiqué des attentats au Kenya, en Éthiopie et en Ouganda. La porosité des frontières et la faiblesse des dispositifs de sécurité régionaux facilitent la projection de la menace.
- Risques pour la navigation internationale : Le contrôle de portions du littoral par les insurgés fait craindre une recrudescence de la piraterie et des attaques contre les navires de commerce.
Réponses nationales et internationales
Face à la menace, le gouvernement somalien tente de réorganiser ses forces de sécurité, avec le soutien des États-Unis (frappes de drones, formation) et de l’Union africaine. Mais les moyens restent limités. L’ONU appelle à une mobilisation accrue pour renforcer la résilience des institutions, soutenir les populations et prévenir la radicalisation.
Au niveau régional, le Kenya, l’Éthiopie et l’Ouganda ont renforcé leur coopération sécuritaire, mais la coordination reste perfectible. La lutte contre Al Shabaab nécessite une approche globale, combinant actions militaires, développement, dialogue communautaire et lutte contre les financements illicites.
Perspectives et défis
La reconquête d’Al Shabaab met en lumière la fragilité des avancées obtenues depuis dix ans en Somalie. La paix durable passe par le renforcement de l’État, la réconciliation nationale, l’inclusion des jeunes et la lutte contre la pauvreté. Sans une mobilisation régionale et internationale soutenue, le risque d’un embrasement généralisé demeure.
Conclusion
La résurgence d’Al Shabaab en Somalie est un signal d’alarme pour toute la Corne de l’Afrique. La communauté internationale, les États voisins et la société civile doivent agir de concert pour endiguer la menace, protéger les civils et offrir des perspectives de paix et de développement durable.