Sénégal : La Haute Cour de justice cible Moustapha Diop et Mansour Faye – Vers un séisme politique ?
Dakar, 23 avril 2025 –
Le Sénégal, longtemps cité en exemple pour sa stabilité institutionnelle en Afrique de l’Ouest, traverse une zone de turbulences judiciaires et politiques. La récente mise en cause de deux figures majeures du paysage politique, Moustapha Diop et Mansour Faye, par la Haute Cour de justice, marque un tournant inédit. Entre enjeux judiciaires, ramifications politiques et réactions de la société civile, Africanova décrypte les dessous d’une affaire qui pourrait redessiner l’équilibre du pouvoir à Dakar.
Des personnalités au cœur du pouvoir
Moustapha Diop, ancien ministre de l’Industrie, et Mansour Faye, ex-ministre des Infrastructures et beau-frère de l’ancien président Macky Sall, incarnent deux trajectoires emblématiques de la politique sénégalaise. Leur proximité avec le pouvoir, leur influence sur les grands dossiers économiques et leur rôle dans la gestion des affaires publiques en ont fait des cibles de choix pour la justice sénégalaise, soucieuse de restaurer sa crédibilité.
Les faits reprochés : corruption, détournement et abus de pouvoir
Selon les informations obtenues par Africanova, les charges retenues contre Diop et Faye portent principalement sur des soupçons de corruption, de détournement de fonds publics et d’abus de pouvoir dans l’attribution de marchés publics. Plusieurs rapports d’audit, commandités par la Cour des comptes, auraient mis en lumière des irrégularités majeures dans la gestion de projets d’infrastructures et de programmes industriels, notamment entre 2019 et 2023.
Des témoins auditionnés évoquent des surfacturations, des marchés attribués sans appel d’offres, et des circuits financiers opaques impliquant des sociétés-écrans. Si la présomption d’innocence demeure, la gravité des accusations place la justice sénégalaise face à un test majeur de son indépendance.
Une justice sous pression, entre attentes populaires et calculs politiques
Depuis l’annonce de l’ouverture de l’instruction, la société civile sénégalaise multiplie les appels à la transparence et à la fermeté. Pour de nombreux citoyens, cette affaire symbolise la lutte contre l’impunité et la nécessité de moraliser la vie publique. Les ONG locales, à l’instar de la Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l’Homme (RADDHO), demandent que « la lumière soit faite, sans considération de statut ou d’appartenance politique ».
Mais derrière la volonté affichée de justice, certains observateurs dénoncent une instrumentalisation politique du dossier. La Haute Cour de justice, composée en majorité de parlementaires issus de la majorité présidentielle, est régulièrement accusée de partialité. L’opposition, quant à elle, y voit une manœuvre pour écarter des rivaux potentiels avant les prochaines échéances électorales.
Conséquences politiques : vers une recomposition du paysage ?
L’affaire Diop-Faye intervient dans un contexte de recomposition politique accélérée, marqué par l’émergence de nouveaux acteurs et la montée des tensions entre le pouvoir et l’opposition. La fragilisation de deux piliers de l’ancien régime pourrait ouvrir la voie à une nouvelle génération de leaders, moins marqués par les affaires et porteurs d’un discours de rupture.

Pour le président Bassirou Diomaye Faye, élu sur la promesse de réformer l’État et de restaurer la confiance dans les institutions, ce dossier est un test grandeur nature. Sa capacité à garantir une justice indépendante et impartiale sera scrutée, aussi bien à l’intérieur qu’à l’international.
Réactions et perspectives
À Dakar, l’opinion publique reste partagée entre scepticisme et espoir. « Si la justice va jusqu’au bout, ce sera un signal fort pour toute la classe politique », estime Fatou, étudiante en droit. D’autres redoutent que l’affaire ne se solde par des compromis ou des non-lieux, comme ce fut le cas par le passé.
Sur le plan régional, le Sénégal est observé de près par ses voisins, alors que la question de la lutte contre la corruption est au cœur des préoccupations dans toute l’Afrique de l’Ouest. Une issue exemplaire renforcerait la position du pays comme modèle démocratique, tandis qu’un échec entamerait sa crédibilité.
Conclusion
L’affaire Moustapha Diop et Mansour Faye cristallise les enjeux de transparence, de justice et de renouvellement politique au Sénégal. Plus qu’un simple dossier judiciaire, elle pourrait être le catalyseur d’une transformation profonde du système politique sénégalais. Reste à savoir si la Haute Cour de justice saura résister aux pressions et rendre une décision à la hauteur des attentes populaires.