Introduction
Le 28 mai 2025, Dakar a connu un nouveau drame : l’effondrement d’un immeuble de quatre étages dans le quartier populaire de la Médina, causant la mort de 11 personnes et faisant de nombreux blessés. Ce tragique événement, le second en deux semaines dans la capitale sénégalaise, a choqué l’opinion publique et relancé le débat sur la sécurité des constructions, la gestion urbaine et la crise du logement à Dakar. Retour sur les faits, les causes profondes de ces accidents à répétition, les réactions des autorités et les pistes pour éviter de nouveaux drames.
Les faits : une nuit tragique à la Médina
Vers 2 heures du matin, alors que la plupart des habitants dormaient, un immeuble de quatre étages s’est effondré brutalement. Les secours, mobilisés rapidement, ont extrait 11 corps sans vie et une dizaine de blessés des décombres. Les recherches se sont poursuivies toute la journée pour retrouver d’éventuels survivants, aidées par des riverains et des volontaires. Les rescapés, choqués, ont été pris en charge dans les hôpitaux de la ville.
Cet accident est le deuxième effondrement mortel en deux semaines à Dakar, après celui survenu à Pikine qui avait fait 7 morts. Ces drames successifs ont mis en lumière la vulnérabilité du parc immobilier dakarois et l’urgence d’une réforme profonde.
Les causes : vétusté, spéculation et urbanisation incontrôlée
1. Vétusté des bâtiments
De nombreux immeubles de Dakar datent de l’époque coloniale ou des premières décennies post-indépendance. Mal entretenus, soumis à l’humidité, aux infiltrations et à la corrosion, ils présentent des signes de fragilité structurelle. Selon l’Ordre des architectes du Sénégal, plus de 30 % des bâtiments de la capitale sont considérés comme à risque.
2. Spéculation immobilière et constructions anarchiques
La pression démographique et la flambée des prix du foncier poussent de nombreux propriétaires à surélever ou agrandir leurs immeubles sans respecter les normes. Des promoteurs peu scrupuleux construisent des bâtiments sans permis ou avec des matériaux de mauvaise qualité, en l’absence de contrôles rigoureux.
Un ingénieur du BTP confie :
« Il n’est pas rare de voir des immeubles de 2 étages transformés en 5 ou 6 étages, sans étude de sol ni renforcement des fondations. »

3. Urbanisation rapide et manque de planification
Dakar accueille chaque année des dizaines de milliers de nouveaux habitants venus de l’intérieur du pays. L’urbanisation s’est faite de façon désordonnée, avec la prolifération de quartiers informels et l’absence de plan d’aménagement cohérent. Les infrastructures (eau, électricité, voirie) peinent à suivre, accentuant la précarité.
4. Contrôle et corruption
Les services municipaux chargés des permis de construire et des inspections sont souvent débordés, mal équipés ou confrontés à la corruption. Des permis sont délivrés sans vérification, des chantiers illégaux sont tolérés moyennant bakchich, et les sanctions restent rares.
Les réactions des autorités et de la société civile
1. Réaction gouvernementale
Le président Bassirou Diomaye Faye a exprimé sa « profonde tristesse » et promis une enquête rapide pour établir les responsabilités. Il a annoncé la création d’une cellule de crise et le renforcement des contrôles sur les chantiers.
Le ministre de l’Urbanisme a déclaré :
« Nous ne pouvons plus tolérer que des vies soient perdues à cause de la négligence et de la cupidité. Les contrevenants seront sanctionnés. »
2. Mesures d’urgence
- Recensement des immeubles à risque dans les quartiers populaires.
- Suspension des chantiers non conformes et audit des permis délivrés ces 5 dernières années.
- Relogement temporaire des familles sinistrées dans des écoles et centres sociaux.
- Lancement d’une campagne de sensibilisation sur les risques liés à l’habitat précaire.
3. Mobilisation citoyenne
Des associations de défense du droit au logement, comme « Yoonu Yokkuté », réclament un audit complet du parc immobilier et la création d’un fonds d’aide pour la rénovation des bâtiments anciens.
Des architectes et ingénieurs bénévoles proposent d’accompagner les copropriétés dans la mise aux normes.
La crise du logement à Dakar : chiffres et réalités
- Dakar compte plus de 3,5 millions d’habitants, pour une capacité d’accueil estimée à 2,5 millions.
- Le déficit de logements abordables est évalué à 150 000 unités.
- Les loyers ont augmenté de 40 % en 5 ans, poussant les familles à se regrouper dans des logements insalubres ou à s’installer dans des quartiers informels.
- Près de 60 % des constructions récentes sont réalisées sans permis ou sans respect des normes.
Les enjeux pour l’avenir
1. Réforme de la politique urbaine
Les experts appellent à une refonte du code de l’urbanisme, à la création d’un guichet unique pour les permis de construire et à la digitalisation des procédures pour limiter la fraude.
2. Renforcement des contrôles et des sanctions
Il est urgent de doter les services municipaux de moyens humains et techniques pour inspecter les chantiers, sanctionner les infractions et démolir les constructions dangereuses.

3. Accès au logement social
Le gouvernement doit accélérer la construction de logements sociaux, en partenariat avec le secteur privé et les bailleurs internationaux, pour offrir des alternatives aux familles modestes.
4. Sensibilisation et formation
Former les artisans, les entrepreneurs et les copropriétés aux normes de sécurité, à la gestion des risques et à l’entretien des bâtiments est essentiel pour prévenir de nouveaux drames.
Conclusion
L’effondrement d’immeuble survenu à Dakar le 28 mai 2025 est le symptôme d’une crise urbaine profonde. Au-delà de l’émotion, il appelle à une mobilisation collective : réforme des politiques publiques, lutte contre la corruption, investissement dans le logement social et responsabilisation des acteurs du secteur. La sécurité urbaine et le droit à un logement digne sont des priorités pour bâtir la capitale sénégalaise de demain.