Introduction
Le Sénégal, longtemps cité en exemple pour la stabilité de ses institutions et la solidité de son État de droit, traverse une séquence politique inédite. Cinq anciens ministres du gouvernement de Macky Sall, président sortant, viennent d’être renvoyés devant la Haute Cour de justice. Cette décision, prise dans le cadre de l’enquête sur la gestion du Fonds Covid-19, marque un tournant dans la lutte contre la corruption et la reddition des comptes au sommet de l’État. Au-delà des enjeux judiciaires, cette affaire pose la question de la transparence, de la responsabilité politique et de l’avenir de la gouvernance au Sénégal.
Les faits : une procédure exceptionnelle
Le 8 mai 2025, après plusieurs mois d’investigations menées par l’Inspection générale d’État et la Cour des comptes, le parquet spécial a décidé de renvoyer cinq anciens membres du gouvernement devant la Haute Cour de justice. Les ministres concernés sont accusés de détournement de fonds publics, de favoritisme dans l’attribution de marchés publics et de mauvaise gestion du Fonds Covid-19, mis en place en 2020 pour soutenir l’économie et la santé face à la pandémie.
La Haute Cour de justice, juridiction d’exception compétente pour juger les membres du gouvernement pour des faits commis dans l’exercice de leurs fonctions, n’avait pas été saisie pour un dossier d’une telle ampleur depuis plus de dix ans. Ce choix témoigne de la gravité des accusations et de la volonté des autorités de marquer une rupture avec l’impunité.
Le contexte politique : une alternance sous tension
L’affaire intervient dans un contexte de transition politique délicate. L’élection présidentielle de mars 2025, qui a vu l’arrivée au pouvoir d’un nouveau président issu de l’opposition, a été marquée par une promesse de « rupture » et de moralisation de la vie publique. La gestion du Fonds Covid-19 avait déjà suscité de vives polémiques, avec des rapports accablants sur la transparence et l’efficacité des dépenses.
La société civile, les syndicats et l’opinion publique réclamaient depuis des mois que toute la lumière soit faite sur l’utilisation des fonds d’urgence, alors que le pays fait face à une crise économique et sociale persistante.
Les réactions politiques et sociales
La décision de renvoyer les anciens ministres devant la Haute Cour a été saluée par de nombreux acteurs de la société civile, qui y voient un signal fort contre la corruption. Les partis d’opposition, désormais au pouvoir, insistent sur la nécessité de restaurer la confiance des citoyens dans les institutions.
Du côté des proches de Macky Sall, la défense s’organise. Les avocats des accusés dénoncent une « chasse aux sorcières » et pointent des motivations politiques derrière la procédure. Certains craignent que ce procès ne polarise davantage la société sénégalaise, déjà traversée par des tensions autour de la justice et de la gouvernance.
Les enjeux pour la justice et la gouvernance
Ce procès pourrait faire jurisprudence et renforcer le rôle de la Haute Cour de justice dans la lutte contre la corruption. Il pose aussi la question de l’indépendance de la justice, alors que le Sénégal cherche à consolider ses institutions démocratiques.
La réussite de cette procédure dépendra de la capacité des juges à garantir un procès équitable, transparent et respectueux des droits de la défense. Un verdict crédible serait un signal fort pour l’ensemble du continent africain, où la question de la reddition des comptes reste centrale.
Les perspectives pour le Sénégal
Au-delà du cas individuel des ministres, ce procès interroge sur la gestion des fonds publics en période de crise. Il met en lumière la nécessité de renforcer les mécanismes de contrôle, de transparence et de participation citoyenne dans la gestion de l’État.
Le nouveau gouvernement devra tirer les leçons de cette affaire pour restaurer la confiance et poser les bases d’une gouvernance plus éthique et responsable.
Conclusion
Le renvoi de cinq anciens ministres de Macky Sall devant la Haute Cour de justice marque un tournant dans l’histoire politique et judiciaire du Sénégal. Ce procès, très attendu, sera suivi de près par l’opinion publique nationale et internationale. Il incarne l’espoir d’un renouveau démocratique et d’une gouvernance plus transparente, mais il comporte aussi des risques de tensions et de divisions. L’issue de cette affaire sera déterminante pour l’image du Sénégal et pour la consolidation de l’État de droit sur le continent africain.