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Russie : Nouvelle vague de répression contre les ONG – Amnesty International expulsée, la société civile sous pression accrue

par Africanova
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Le 15 juillet 2025, le siège russe d’Amnesty International, l’une des plus importantes organisations de défense des droits humains à l’échelle mondiale, a reçu l’ordre de cesser immédiatement toutes ses activités et de quitter le territoire d’ici 72 heures. Cette expulsion, annoncée par le ministère russe de la Justice et officiellement justifiée par la « violation répétée de l’ordre public et de la souveraineté nationale », s’inscrit dans la continuité d’une politique de plus en plus dure visant à réduire au silence la société civile, les ONG internationales et les défenseurs indépendants des libertés fondamentales en Russie.

Une expulsion-choc qui marque un nouveau tournant

Amnesty International était implantée à Moscou depuis 1993. Son expulsion constitue le point culminant d’un processus débuté dès l’invasion de l’Ukraine en 2022 : après la fermeture de Memorial, d’Human Rights Watch, de la section russe de Greenpeace et l’arrestation de dizaines de militants pacifistes, la Russie franchit une étape supplémentaire vers l’isolement des acteurs indépendants.
Le communiqué du ministère de la Justice avance un argumentaire désormais classique : « ingérence étrangère, propagande antinationale, soutien à des mouvements qualifiés d’extrémistes et d’agents de l’étranger ». Une rhétorique visant à amalgamer défense des droits humains, opposition politique et activités qui menaceraient, selon les autorités, la stabilité de l’État.

Bilan de la société civile en 2025 : un paysage dévasté

La répression ne touche pas qu’Amnesty International. Au 15 juillet 2025, plus de 400 associations, petites et grandes, ont perdu leur statut légal ou ont vu leurs bureaux perquisitionnés.
Les ONG actives sur les droits des prisonniers, la défense des minorités ethniques, LGBT+, l’accompagnement des victimes de violences domestiques, ou encore la lutte contre la corruption, subissent :

  • Saisies de comptes bancaires
  • Arrestations de leaders ou convocations au FSB
  • Interdiction de manifestations publiques
  • Blocage systématique de sites internet et d’outils de collecte de dons
  • Pressions directes aux familles de militants

Les avocats des ONG expulsées parlent d’un « climat de terreur froide », mais aussi de résilience souterraine : certains acteurs migrent vers la Géorgie, les États baltes ou l’Allemagne pour poursuivre leur mission à distance.

Un contexte politique verrouillé

Depuis la réélection de Vladimir Poutine pour un sixième mandat en mai 2024, la consolidation du pouvoir est totale. Les contre-pouvoirs institutionnels ont été muselés :

  • Les principaux partis d’opposition sont interdits ou en exil
  • Les médias indépendants sont fermés ou réduits au statut de blogs clandestins
  • L’accès aux plateformes étrangères (YouTube, X, Facebook) est quasiment bloqué, à l’exception de VPN clandestins

Le discours officiel exalte la « guerre informationnelle étrangère » et présente tout mouvement contestataire comme financé ou téléguidé par l’Occident, alors même que la grogne sociale persiste sur fond de sanctions économiques et d’isolement diplomatique croissant.

Réactions internationales et impacts

L’annonce de l’expulsion d’Amnesty a suscité une cascade de réactions :

  • ONU : le Haut-Commissariat aux droits de l’homme condamne une attaque contre la « dernière ligne rouge humanitaire ».
  • Union européenne : Bruxelles évoque de « nouvelles sanctions ciblées » contre des responsables russes du secteur judiciaire et les bailleurs complices de la répression.
  • États-Unis et Royaume-Uni : appels fermes à la libération de tous les militants arrêtés depuis le début de l’année et à la restauration de la liberté associative.
  • ONG mondiales : une tribune commune, publiée dans Le Monde et le New York Times, évoque « une tentative de faire disparaître la vérité du continent eurasiatique ».

Mais, dans la pratique, la marge de manœuvre diplomatique demeure limitée : la Russie reconstitue son front intérieur autour du discours de la forteresse assiégée, en s’appuyant sur la censure numérique, la peur policière et l’appui des médias d’État.

Résistances et stratégies souterraines

Les défenseurs des droits humains s’adaptent.

  • Certains groupes créent des portails cryptés ou des newsletters distribuées via Telegram, réseau social encore partiellement accessible.
  • La diaspora russe s’organise depuis Berlin, Tbilissi, Riga ou Varsovie pour archiver témoignages et preuves de violations (procès fictifs, torture, détention arbitraire, réductions au silence).
  • Des initiatives de documentation numérique, telles que « Russia In Exile » ou le Réseau transnational pour la justice, cherchent à préserver la mémoire des luttes, dans l’espoir d’un « après » où les preuves seront cruciales pour d’éventuelles poursuites internationales.

Le coût personnel est immense : exils forcés, ruptures familiales, précarité économique pour des militants soudain privés de tout financement et interdits de profession.

Conséquences intérieures : effet domino et exaspération silencieuse

Malgré le blocage de presque tous les instruments d’expression publique, des mobilisations sporadiques continuent (flash mobs, graffitis, pétitions en ligne derrière pseudonymes). On observe aussi :

  • Une hausse de la fuite des cerveaux chez les jeunes diplômés
  • La montée des actes de désobéissance individuelle, souvent discrets mais cumulés (port d’un ruban blanc, pauses collectives anti-guerre sur les campus)
  • L’émergence de figures anonymes relayant les informations via la messagerie chiffrée Signal ou des podcasts clandestins

Les familles de prisonniers politiques, elles, sont devenues les nouveaux visages, à la fois victimes et porte-voix d’une société civile orpheline d’institutions judiciaires indépendantes.

Horizons judiciaires et mémoire collective

Dernier recours : la documentation pour la justice internationale. Même expulsées, les grandes ONG contribuent à l’accumulation des modèles de plaintes pour la Cour européenne des droits de l’homme, la Cour pénale internationale et les futurs tribunaux ad hoc.
Le risque, soulignent de nombreux chercheurs, serait celui d’une « amnésie organisée », où la Russie s’affranchirait à long terme de toute contrainte en matière de standards internationaux.

Mais les graines de résistance subsistent, dans la clandestinité comme dans la mémoire active : la Russie des droits humains vit dans ses exilés, ses archives numériques, et les témoignages de celles et ceux qui refusent de renoncer à la dignité du droit.
C’est sur ce terrain-là que l’avenir, à long terme, pourrait un jour se redessiner.

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