ADDIS-ABEBA, Éthiopie – Dans les vastes plaines de l’Oromia, en Éthiopie, Abebe Tadesse contemple avec fierté ses champs verdoyants. Il y a encore cinq ans, ses terres étaient régulièrement ravagées par la sécheresse. Aujourd’hui, grâce à l’adoption de techniques d’agriculture intelligente face au climat (AIC), sa production a doublé, et ce, malgré les aléas météorologiques.
L’histoire d’Abebe n’est pas un cas isolé. À travers tout le continent africain, une véritable révolution verte est en marche, portée par l’adoption massive de l’AIC. Cette approche, qui combine des techniques agricoles traditionnelles et des innovations technologiques, permet aux agriculteurs de s’adapter aux changements climatiques tout en augmentant leur productivité.
Un impératif face au changement climatique
« L’agriculture intelligente face au climat n’est plus une option, c’est une nécessité », affirme Dr. Agnes Kalibata, présidente de l’Alliance pour une révolution verte en Afrique (AGRA). « Avec le changement climatique, nos agriculteurs font face à des défis sans précédent. L’AIC leur offre les outils pour non seulement survivre, mais prospérer dans ce nouveau contexte. »
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Selon un rapport récent de la FAO, les pays africains ayant massivement adopté l’AIC ont vu leur production agricole augmenter de 40% en moyenne depuis 2020, tandis que leur résilience face aux chocs climatiques s’est considérablement améliorée.
Des techniques innovantes adaptées aux réalités locales
L’AIC repose sur trois piliers : l’augmentation durable de la productivité agricole, l’adaptation aux changements climatiques et la réduction des émissions de gaz à effet de serre. En pratique, cela se traduit par une multitude de techniques adaptées aux contextes locaux.
Au Sahel, par exemple, la technique du zaï, qui consiste à creuser des micro-bassins pour concentrer l’eau et les nutriments, connaît un regain d’intérêt. Couplée à des variétés de semences résistantes à la sécheresse, elle permet de cultiver des terres autrefois considérées comme improductives.
En Afrique de l’Est, c’est l’agroforesterie qui gagne du terrain. « En intégrant des arbres dans nos cultures, nous créons un microclimat favorable et nous diversifions nos sources de revenus », explique Jane Muthoni, agricultrice kényane. « C’est un véritable changement de paradigme. »
La technologie au service de l’agriculture
L’AIC, c’est aussi l’utilisation croissante des technologies numériques. Des drones pour surveiller l’état des cultures aux applications mobiles fournissant des conseils agronomiques personnalisés, la tech révolutionne les pratiques agricoles.
« Grâce à notre application, les agriculteurs reçoivent des alertes météo précises et des recommandations sur les meilleures périodes pour semer ou récolter », explique Moussa Diallo, fondateur de la start-up sénégalaise AgroTech. « C’est comme avoir un agronome dans sa poche. »
Un impact économique et social majeur
Au-delà de l’augmentation de la productivité, l’AIC a des répercussions socio-économiques profondes. « Nous observons une réduction significative de l’exode rural dans les régions où l’AIC a été largement adoptée », note le Dr. Ibrahim Mayaki, ancien Premier ministre du Niger et expert en développement rural. « L’agriculture redevient attractive pour les jeunes, qui y voient une opportunité d’entreprendre et d’innover. »
Cette dynamique contribue également à renforcer la sécurité alimentaire du continent. Selon les projections de la Banque Africaine de Développement, si la tendance actuelle se poursuit, l’Afrique pourrait atteindre l’autosuffisance alimentaire d’ici 2030.
Des défis persistants
Malgré ces avancées prometteuses, des obstacles demeurent. L’accès au financement reste un frein majeur pour de nombreux petits agriculteurs souhaitant adopter ces nouvelles pratiques. « Il faut des investissements massifs dans le secteur agricole, tant publics que privés », plaide Akinwumi Adesina, président de la Banque Africaine de Développement.
La formation est un autre enjeu crucial. « Nous devons former massivement les agriculteurs à ces nouvelles techniques », souligne Josefa Sacko, commissaire à l’économie rurale et à l’agriculture de l’Union Africaine. « C’est un défi colossal, mais c’est la clé pour généraliser l’AIC. »
Vers une Afrique nourricière
Alors que le continent fait face à des défis démographiques et climatiques majeurs, l’agriculture intelligente face au climat apparaît comme une réponse prometteuse. « L’Afrique a le potentiel non seulement de se nourrir elle-même, mais aussi de devenir le grenier du monde », affirme avec conviction Kofi Annan, ancien secrétaire général des Nations Unies.
Pour Abebe Tadesse, l’agriculteur éthiopien, le changement est déjà palpable. « Aujourd’hui, je peux envoyer tous mes enfants à l’école et même épargner pour l’avenir », sourit-il. « L’AIC n’a pas seulement transformé mes champs, elle a transformé ma vie. »
Alors que la révolution verte africaine prend de l’ampleur, c’est tout un continent qui se tourne vers un avenir agricole plus durable et résilient. Un avenir où l’Afrique pourrait bien devenir le moteur de la sécurité alimentaire mondiale.