Portugal : Chega bouleverse le paysage politique
Le Portugal vient de vivre un tournant historique. Lors des élections législatives anticipées du 18 mai, le parti d’extrême droite Chega (« Assez »), fondé il y a seulement six ans, a franchi pour la première fois la barre des 20 % des suffrages, s’imposant comme la deuxième force politique du pays derrière les socialistes. Ce résultat, inimaginable il y a encore quelques années, marque un séisme dans la démocratie portugaise et interpelle l’ensemble de l’Europe.
Les faits : une ascension fulgurante
Chega, dirigé par André Ventura, a bâti son succès sur un discours anti-élites, anti-immigration et sécuritaire. Le parti a su capter la colère d’une partie de la population, lassée par les scandales de corruption, la précarité économique et l’incapacité des partis traditionnels à répondre aux attentes. Avec plus de 20 % des voix et des dizaines de députés, Chega bouleverse la donne parlementaire et oblige les autres partis à repenser leurs alliances et leurs stratégies.
Les causes de la montée de l’extrême droite
Plusieurs facteurs expliquent ce basculement :
- Crise économique persistante : Malgré la croissance, de nombreux Portugais subissent le chômage, la précarité et la hausse du coût de la vie.
- Défiance envers les élites : Les scandales de corruption et le sentiment d’abandon dans les régions rurales ont alimenté la défiance envers les institutions.
- Questions identitaires et migratoires : Chega a su exploiter les inquiétudes liées à l’immigration, à la sécurité et à la mondialisation.
- Stratégie numérique : Le parti a investi massivement les réseaux sociaux, touchant un public jeune et mobilisé.
Les conséquences pour la démocratie portugaise
L’entrée de Chega dans le cercle des grands partis bouleverse les équilibres politiques. Le Parti socialiste, longtemps dominant, doit désormais composer avec une opposition radicale et structurée. Les partis centristes et de gauche s’interrogent sur la meilleure stratégie à adopter : front républicain, alliances ponctuelles ou refonte de leur discours ?
Ce séisme politique interroge aussi sur la solidité des institutions portugaises, réputées stables depuis la restauration de la démocratie. La montée de la polarisation, le risque de blocages parlementaires et la tentation du populisme sont désormais au cœur du débat.
Réactions nationales et internationales
Les résultats ont suscité des réactions contrastées. Les partisans de Chega saluent « la victoire du peuple contre les élites », tandis que de nombreux Portugais s’inquiètent d’un « retour en arrière ». Les ONG de défense des droits humains appellent à la vigilance et à la préservation des valeurs démocratiques.
Au niveau européen, la percée de Chega est perçue comme un nouvel épisode de la vague populiste qui touche l’Italie, la France, l’Espagne ou l’Allemagne. Bruxelles redoute une remise en cause des politiques migratoires et des équilibres institutionnels.
Les défis à venir : gouvernabilité et cohésion sociale
La formation d’un gouvernement stable s’annonce complexe, les alliances étant difficiles à nouer avec un parti aussi clivant. Le risque de voir la société portugaise se fracturer sur des questions identitaires, sociales ou économiques est réel.

Les partis traditionnels devront repenser leur offre politique, renouer le dialogue avec les électeurs déçus et proposer des solutions concrètes aux problèmes du quotidien. La société civile, les médias et les institutions éducatives auront aussi un rôle clé pour préserver le débat démocratique et la cohésion nationale.
Analyse : un avertissement pour l’Europe
La montée de Chega est un signal d’alarme pour l’ensemble des démocraties européennes. Elle rappelle que le populisme prospère sur le terreau de la défiance, de la crise sociale et du sentiment d’abandon. Face à ce défi, la réponse doit passer par une refondation du contrat social, une lutte résolue contre les inégalités et une pédagogie renouvelée des valeurs démocratiques.
Conclusion : le Portugal à la croisée des chemins
Le succès de Chega marque l’entrée du Portugal dans une nouvelle ère politique, faite d’incertitudes mais aussi d’opportunités pour réinventer la démocratie. Pour l’Europe, c’est un rappel : la stabilité politique n’est jamais acquise, et la défense des valeurs démocratiques exige vigilance, dialogue et innovation.