Introduction
Le 30 mai 2025, l’Ouganda a annoncé la suspension de sa coopération militaire avec l’Allemagne, invoquant des « ingérences inacceptables » dans ses affaires intérieures et des critiques répétées de Berlin sur la situation des droits humains dans le pays. Cette décision marque un tournant dans les relations entre Kampala et l’un de ses principaux partenaires européens, sur fond de tensions diplomatiques croissantes et de débat international sur la condition des libertés fondamentales en Afrique de l’Est. Analyse d’un bras de fer aux enjeux sécuritaires, politiques et symboliques.
Les faits : une rupture sur fond de droits humains
La coopération militaire entre l’Ouganda et l’Allemagne, entamée il y a plus de dix ans, portait sur la formation des forces spéciales, l’équipement, le renseignement et la lutte contre le terrorisme dans la région des Grands Lacs. En 2024, Berlin avait renforcé son soutien à Kampala pour lutter contre les groupes armés actifs à la frontière avec la RDC et le Sud-Soudan.
Mais depuis plusieurs mois, l’Allemagne multiplie les critiques contre la répression des opposants politiques, les arrestations arbitraires et les restrictions aux libertés publiques en Ouganda. Le vote d’une loi anti-LGBTQ en 2023, jugée « inhumaine » par Berlin, avait déjà tendu les relations.
Le gouvernement ougandais accuse désormais l’Allemagne de « conditionner l’aide sécuritaire au respect d’agendas étrangers » et de « s’immiscer dans le débat politique national ».

Réactions et conséquences immédiates
- Ouganda : Le ministère de la Défense affirme que le pays « ne cédera pas à la pression » et qu’il « explorera de nouveaux partenariats » avec d’autres puissances, notamment la Russie, la Chine et la Turquie.
- Allemagne : Berlin regrette la décision mais maintient ses exigences en matière de droits humains, rappelant que « la sécurité ne peut se construire au prix de la liberté ».
- Union européenne : Bruxelles appelle au dialogue et à la reprise de la coopération, tout en soutenant la position allemande sur le respect des droits fondamentaux.
- Société civile ougandaise : Les ONG locales craignent une aggravation de la répression, la coopération militaire ayant parfois servi de levier pour exiger des réformes et protéger les militants.
Les enjeux sécuritaires et géopolitiques
- Lutte contre le terrorisme : L’Ouganda fait face à la menace des ADF (Forces démocratiques alliées), groupe affilié à l’État islamique, et à l’instabilité régionale. La suspension de la coopération pourrait affaiblir les capacités de l’armée à contenir ces menaces.
- Recherche de nouveaux alliés : Kampala pourrait se tourner vers des partenaires moins exigeants sur les droits humains, au risque d’accroître sa dépendance à des puissances autoritaires.
- Effet domino : D’autres pays africains, confrontés à des critiques occidentales, pourraient suivre l’exemple ougandais, accentuant la fragmentation des alliances internationales sur le continent.

Les enjeux pour les droits humains
La suspension de la coopération met en lumière le dilemme entre sécurité et droits humains. Les défenseurs des libertés craignent que le gouvernement ougandais ne profite de l’éloignement de l’Europe pour durcir la répression, réduire l’espace civique et renforcer le contrôle sur les médias et la société civile.
Pour Berlin, la décision pose la question de l’efficacité de la conditionnalité de l’aide et de la capacité de l’Europe à promouvoir ses valeurs dans un contexte de concurrence géopolitique accrue.
Perspectives
La crise diplomatique entre l’Ouganda et l’Allemagne pourrait être atténuée par une médiation régionale ou internationale, mais elle illustre la difficulté de concilier enjeux sécuritaires, souveraineté nationale et défense des droits humains dans un monde multipolaire.
Conclusion
La suspension de la coopération militaire entre l’Ouganda et l’Allemagne ouvre une période d’incertitude pour la sécurité régionale et la promotion des droits humains en Afrique de l’Est. Elle pose un défi à l’Europe et à ses partenaires africains : comment bâtir des alliances durables sans sacrifier les principes fondamentaux ?