La région frontalière entre l’Ouganda et la République démocratique du Congo (RDC) est devenue l’un des principaux théâtres du commerce illégal du bois en Afrique centrale. Ce trafic, orchestré par des réseaux criminels internationaux, alimente la criminalité transfrontalière, menace la biodiversité et compromet la santé des populations locales. Les autorités des deux pays, malgré leurs efforts, peinent à endiguer ce phénomène, qui prend de l’ampleur chaque année, en raison de la demande croissante en bois exotique sur les marchés asiatiques et européens.
Les forêts tropicales de la RDC, parmi les plus vastes du continent, constituent une ressource inestimable, mais aussi une cible privilégiée pour les trafiquants. Des centaines de camions chargés de grumes traversent chaque semaine la frontière ougandaise, souvent sous la protection de milices armées ou de fonctionnaires corrompus. Le bois ainsi exporté illégalement provient principalement des régions du Nord-Kivu et de l’Ituri, où l’État congolais a peu de moyens pour faire respecter la loi.
L’impact environnemental de ce trafic est dévastateur. La déforestation accélérée menace des espèces animales et végétales rares, comme les bonobos et les okapis, et contribue au changement climatique. Les sols, privés de leurs racines, deviennent moins fertiles, ce qui aggrave la pauvreté des populations rurales, déjà confrontées à l’insécurité alimentaire. Les experts estiment que près de 10% de la forêt congolaise a disparu au cours des deux dernières décennies, principalement à cause de l’exploitation illégale.
Sur le plan sanitaire, la situation est tout aussi préoccupante. La destruction des forêts favorise la propagation de maladies infectieuses, comme Ebola ou la fièvre de Lassa, en rapprochant les populations des animaux sauvages porteurs de virus. Les communautés locales, privées de leurs ressources naturelles, souffrent également de malnutrition et de problèmes respiratoires liés à la pollution causée par les feux de forêt et les scieries clandestines.
Les autorités ougandaises et congolaises ont lancé plusieurs opérations conjointes pour lutter contre le trafic de bois, mais leurs résultats restent mitigés. Les forces de l’ordre manquent de moyens, de formation et de coordination, tandis que les réseaux criminels bénéficient de complicités à tous les niveaux de l’administration. Les sanctions, lorsqu’elles existent, sont rarement appliquées, et les profits générés par le commerce illégal alimentent d’autres activités criminelles, comme le trafic d’armes ou la contrebande d’or.

La communauté internationale s’inquiète de la situation. Plusieurs organisations, dont Greenpeace et le World Wildlife Fund (WWF), ont appelé à une mobilisation accrue pour protéger les forêts africaines. L’Union européenne et les États-Unis ont imposé des sanctions contre certaines entreprises impliquées dans le trafic, mais ces mesures restent insuffisantes face à l’ampleur du phénomène.
Sur le terrain, les populations locales tentent de s’organiser pour protéger leurs forêts. Des initiatives communautaires de reboisement et de surveillance ont vu le jour, souvent avec le soutien d’ONG internationales. Mais les défis restent immenses, tant la pression économique et la corruption sont fortes.
L’avenir de la région dépendra de la capacité des gouvernements à renforcer leur coopération, à améliorer la gouvernance forestière et à offrir des alternatives économiques viables aux populations. Le commerce illégal du bois n’est pas seulement une question environnementale ou économique, c’est aussi une question de santé publique et de sécurité régionale. Les prochains mois seront déterminants pour mesurer l’efficacité des mesures prises et pour préserver ce patrimoine naturel unique.