La confirmation, ce 15 juillet 2025, d’une imposante marée noire au large de la baie de Bonny, dans le delta du Niger, replonge le Nigeria dans une crise environnementale d’une gravité extrême. L’accident, survenu à la suite d’une fuite sur un pipeline exploité par la compagnie pétrolière nationale NNPC en partenariat avec un consortium international, a causé le déversement de plusieurs milliers de barils de brut en mer. Rapidement, d’épais nappes d’hydrocarbures sont venues souiller mangroves, plages et zones de pêche, menaçant toute la chaîne de vie marine locale.
Cette pollution massive réactive le souvenir des grandes catastrophes environnementales du delta au début du 21e siècle, et frappe au cœur une région déjà exsangue du fait des marées noires successives, de l’extraction pétrolière intensive et du manque récurrent d’investissements dans la prévention industrielle.
Impact écologique et crise alimentaire
La baie de Bonny, écosystème fragile composé de mangroves, lagunes, herbiers et sanctuaires ornithologiques, est désormais l’objet d’une surveillance constante par les ONG et des scientifiques de l’Université de Port Harcourt. Les premières analyses font état d’une mortalité massive chez les poissons, crustacés et oiseaux d’eau. Des centaines de pêcheurs, privés de ressources, dénoncent leur impuissance face à ce désastre, qui menace directement leur sécurité alimentaire.
Les autorités régionales ont ordonné l’arrêt provisoire de toute activité de pêche et de baignade sur plus de 60 km de côtes. Les experts redoutent l’infiltration de pétrole jusque dans les fermes ostréicoles, avec le risque d’empoisonnement à grande échelle.
Mobilisation et colère citoyenne
Face à la lenteur de la réaction des compagnies pétrolières, des manifestations éclatent à Bonny Town, Port Harcourt et Lagos. Les associations locales accusent la NNPC et ses partenaires étrangers de négligence et de sous-évaluation systématique des risques : « Ici, les intérêts pétroliers priment sur la santé, l’environnement et la vie des populations. »
La société civile, appuyée par Amnesty International et plusieurs groupes de juristes, réclame l’ouverture d’une enquête judiciaire indépendante, une indemnisation rapide des victimes, et la mise à disposition d’un fonds de dépollution abondé par les compagnies responsables.

Réponse gouvernementale et industrielle
Sous la pression, le ministère fédéral de l’Environnement a mobilisé des équipes d’urgence, tandis que la NNPC promet une opération de nettoyage « en 72 heures ». Les critiques dénoncent l’inefficacité chronique des politiques de prévention et la faiblesse de la réglementation sur les oléoducs vieillissants.
Des sanctions financières et la suspension de nouveaux permis d’exploitation sont évoquées, alors que la Banque mondiale estime le coût de cette nouvelle marée noire à plus de 200 millions de dollars pour l’économie locale, sans parler du coût humain et écologique.
Crise récurrente et perspectives
Ce nouveau drame s’inscrit dans une longue série : le delta du Niger, surnommé la « zone sacrificielle » de l’Afrique pétrolière, cumule les sites pollués, les litiges judiciaires non réglés et les promesses de restauration non tenues. Les experts écologistes rappellent qu’aucune relance économique durable n’est possible sans dépollution effective, investissements massifs dans les infrastructures modernes et gouvernance transparente.
Le Nigeria, premier producteur de brut du continent, se voit rappelé à la nécessité absolue d’une politique de responsabilité environnementale, tant du côté étatique qu’industriel. Le cas de Bonny pourrait devenir le test décisif pour la crédibilité écologique du pays sur la scène internationale et un catalyseur de mobilisation citoyenne permanente dans le golfe de Guinée.