Introduction
En 2025, le Mozambique surprend le continent africain par la mise en œuvre d’un programme inédit d’inclusion numérique pour les personnes aveugles et malvoyantes. Alors que la fracture numérique reste l’un des grands enjeux du développement en Afrique, l’expérience mozambicaine, saluée par les ONG et les bailleurs internationaux, montre la voie d’une démocratisation du digital au service de la justice sociale. Des smartphones adaptés au braille aux centres de formation spécialisés, ce projet annonce-t-il une nouvelle ère pour l’accessibilité et l’économie inclusive au Sud ? Quelles sont les forces et défis de cette politique pionnière ?
Un défi de société au cœur de l’innovation africaine
Le Mozambique compte officiellement plus de 170 000 personnes aveugles ou malvoyantes, selon le dernier recensement de 2024. Jusqu’ici, la majorité vivait à l’écart des circuits de formation, de l’emploi et même des services publics. Conscient de ce retard, le ministère de l’Inclusion Sociale, avec le soutien du PNUD et d’acteurs privés, a lancé fin 2023 le projet « Mozambique Digital Inclusif ».
L’objectif : donner à 80 % des personnes non-voyantes un accès effectif aux outils numériques d’ici 2028, soutien à la formation, à l’entrepreneuriat, à la vie quotidienne et à la participation citoyenne.
Des solutions technologiques de pointe
Au cœur du programme, un écosystème d’innovations adaptées :
- Smartphones et tablettes en braille : Développés localement en partenariat avec des universités à Maputo, ces appareils intègrent synthèse vocale multilingue, applications gouvernementales accessibles, GPS guidé et solutions de paiement mobile sécurisées.
- Formation et inclusion professionnelle : Depuis l’ouverture du Centre d’Innovation Inclusive en 2024, près de 3 500 non-voyants ont été formés à l’utilisation des outils digitaux, au codage informatique, à la bureautique et aux métiers de l’économie numérique.
- Partenariats privés et ONG : Des start-up telles que MozAccess et InclusiveTech collaborent avec le gouvernement, facilitant l’intégration des non- et malvoyants dans des PME, des call centers, des services de e-commerce et même dans la création de contenus digitaux accessibles.
Des impacts positifs rapides
- Autonomie sociale accrue : Pour beaucoup, l’accès au digital signifie la rupture de l’isolement, la possibilité de gérer leur quotidien (prise de rendez-vous médicaux, paiement de factures, interaction avec l’administration).
- Inclusion économique : De plus en plus d’entrepreneurs malvoyants témoignent de leur réussite dans l’e-commerce, le service client, le conseil en accessibilité et l’animation de blogs ou podcasts spécialisés.
- Visibilité et mobilisation citoyenne : Les campagnes « Voir sans limites », largement partagées sur les réseaux sociaux, ont permis de sensibiliser la population, réduire les discriminations et promouvoir l’image positive de la capacité et de l’innovation des personnes aveugles.
Les défis à relever
Malgré ces avancées, plusieurs obstacles demeurent :
- Couverture territoriale inégale : Les régions rurales du nord et du centre accusent toujours un retard d’accès internet et d’infrastructures spécialisées.
- Coût des équipements : Malgré les subventions, le smartphone en braille reste encore cher pour une majorité de familles.
- Formation continue : Beaucoup de bénéficiaires réclament plus de modules de suivi et d’innovation en langue locale, pour dépasser la barrière linguistique encore forte en milieu rural et au sein des groupes ethniques minoritaires.
Le Mozambique, exemple pour l’Afrique subsaharienne ?
Face au succès du projet pilote, plusieurs États (Angola, Madagascar, Sénégal, Ghana) sont en pourparlers pour dupliquer le modèle, en l’adaptant à leur contexte socioculturel et linguistique. L’Union africaine salue l’intégration d’objectifs spécifiques de handicap et d’inclusion numérique dans l’Agenda 2063, tandis que la Banque mondiale prévoit d’élargir ses lignes de crédit à la formation professionnelle inclusive.
L’impact sur la perception du handicap
Au-delà des chiffres, la démarche mozambicaine contribue à transformer les mentalités : le handicap visuel n’est plus seulement abordé sous l’angle de la charité, mais comme une question de droits, d’innovation et de productivité pour la société tout entière. Des ONG témoignent de l’amélioration de la représentation des non-voyants dans les médias, l’enseignement supérieur, et même la vie politique locale.
Conclusion
Le Mozambique offre en 2025 un rare exemple d’alliance réussie entre volonté politique, dynamisme tech africain et intervention solidaire. Si des défis importants persistent, l’émergence d’une génération de non-voyants acteurs de l’économie numérique ouvre la voie à une Afrique plus inclusive et innovante.
