Un continent de mobilité, loin des clichés
On parle souvent de la migration africaine vers l’Europe ou l’Amérique. Pourtant, 80 % des migrations africaines se font… en Afrique. Du Burkina Faso à la Côte d’Ivoire, du Mali au Sénégal, du Zimbabwe à l’Afrique du Sud, des millions de personnes traversent chaque année les frontières pour travailler, étudier, fuir les conflits ou retrouver leur famille. Ces flux façonnent l’économie, la culture et la société du continent.
Les moteurs de la migration intra-africaine
Le travail reste le premier moteur. Les chantiers d’Abidjan, les mines d’or du Ghana, les exploitations agricoles du Nigeria ou les marchés de Johannesburg attirent des travailleurs venus de toute la région. Les étudiants, eux, choisissent de plus en plus les universités de Dakar, de Nairobi ou du Caire, séduits par la qualité de l’enseignement et la proximité culturelle.
Les conflits, les crises climatiques et les catastrophes naturelles forcent aussi des millions d’Africains à se déplacer. Le Sahel, la Corne de l’Afrique et les Grands Lacs sont parmi les régions les plus touchées par les déplacements internes ou transfrontaliers.
Des défis majeurs pour les États et les sociétés
La gestion des migrations intra-africaines pose de nombreux défis : protection des droits, accès aux services de base, intégration sociale, prévention des tensions communautaires. Les migrants sont parfois victimes de discrimination, d’exploitation ou de xénophobie, comme en Afrique du Sud lors des émeutes contre les étrangers en 2023.
Les États doivent aussi gérer les questions de sécurité, de contrôle des frontières et de lutte contre la traite des êtres humains. La coordination entre pays reste limitée, malgré les efforts de la CEDEAO, de la SADC ou de l’Union africaine pour faciliter la libre circulation.
Des opportunités économiques et sociales à saisir
Pourtant, la migration intra-africaine est aussi une chance. Les migrants contribuent à la croissance, à l’innovation et à la diversification des économies. Les transferts de fonds envoyés par les travailleurs migrants représentent plus de 40 milliards de dollars par an, soit davantage que l’aide publique au développement. Ces ressources financent la santé, l’éducation, l’entrepreneuriat et l’investissement local.

Les diasporas africaines jouent un rôle clé dans le développement : elles créent des entreprises, transfèrent des compétences, facilitent les échanges et promeuvent la coopération régionale. Les villes cosmopolites comme Abidjan, Lagos ou Johannesburg sont des laboratoires de l’intégration africaine.
Vers une gouvernance plus inclusive des migrations
Les institutions africaines prennent conscience de l’importance de la migration pour le développement. L’Union africaine a adopté en 2018 le Pacte africain sur les migrations, qui promeut la libre circulation, la protection des droits et la valorisation des apports des migrants. Plusieurs pays expérimentent des politiques innovantes : cartes de séjour régionales, reconnaissance des diplômes, accès facilité à l’emploi et à l’entrepreneuriat.
Les sociétés civiles, les ONG et les médias jouent un rôle essentiel pour changer le regard sur la migration, déconstruire les préjugés et promouvoir l’inclusion. Les initiatives de dialogue interculturel, les festivals et les réseaux d’entraide favorisent la cohésion et la solidarité.
L’avenir de la mobilité africaine : défis et espoirs
Avec la croissance démographique, l’urbanisation et l’intégration régionale, la mobilité va s’intensifier en Afrique. L’enjeu est de transformer ce mouvement en moteur de développement, d’innovation et de paix. Les jeunes, les femmes et les diasporas sont les acteurs clés de cette nouvelle Afrique en mouvement.
La migration intra-africaine, loin d’être un problème, est une richesse à valoriser. Elle incarne la capacité d’adaptation, la créativité et la résilience du continent. Pour que la renaissance africaine soit une réalité, il faut bâtir des politiques migratoires inclusives, protéger les droits et miser sur la mobilité comme levier d’intégration et de prospérité partagée.