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Accueil Histoire du Monde Noir Memoire d’industrie et africanités – Loïk Le Floch-Prigent, la disparition d’une figure, l’Afrique scrute son héritage

Memoire d’industrie et africanités – Loïk Le Floch-Prigent, la disparition d’une figure, l’Afrique scrute son héritage

par Africanova
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On l’a appris par une dépêche puis un flot de notifications : Loïk Le Floch-Prigent, ex-PDG d’Elf, figure controversée et géant industriel français, est mort à 81 ans dans un appartement parisien, entouré des siens. Les médias européens s’en emparent. Dans les salons, sur LinkedIn, dans les dîners d’affaires, l’annonce fait ressurgir trente ans d’histoire entre la France, l’Afrique, le pétrole, la finance, la politique et la justice.

Sur les chaînes infos africaines – Canal+, TV5 Monde Afrique, Africa24 – le visage fatigué de « LLFP » le Breton s’affiche, alternant extraits d’interviews et archives d’audiences pénales : le temps du procès Elf, des révélations, de la réinvention. Des économistes ivoiriens, togolais, camerounais et congolais décryptent sa trajectoire : « On n’enterre jamais totalement ce genre de patron », confie l’ancien ministre béninois Pierre-Adrien Oumounu, « car il a structuré une part de notre économie et de nos institutions, parfois sans là connaître. »

On refait le procès, la saga, les débats sur l’économie-monde

Dans les universités de Dakar ou d’Abidjan, des conférences en ligne surgissent à la volée : l’ère Elf, la privatisation des hydrocarbures, la guerre des réseaux diplomatiques. Pour les chercheurs, Loïk Le Floch-Prigent incarne à la fois l’apogée du capitalisme français et le moment où la liaison Afrique-Europe s’accompagne de son lot de grandeurs et de naufrages.

Des podcasts afro-européens, des threads d’anciens collaborateurs ressuscitent la légende. Un ingénieur sénégalais témoigne, voix brisée : « Je me souviens de son passage à Dakar : chaque discours était à la fois brillant, paternaliste et redoutable dans l’art de la négociation. » Pour les jeunes entrepreneurs réunis à Alger ou à Lomé lors du forum Afrique-Europe, la figure LLFP trouble : il fut l’exemple d’un chef d’industrie audacieux, mais aussi le nom qui a justifié la transparence exigée aux générations suivantes.

Plaidoyers, polémiques et souvenirs croisés : industrie, éthique, mémoire africaine

Dans les grands groupes pétroliers à Pointe-Noire, Malabo, Libreville ou Abuja, les managers gris discutent : les nouveaux cadres font leurs classes sur l’histoire Elf-Gabon, Elf-Congo, la Françafrique, la redistribution du pouvoir depuis les années 2010. Les plus jeunes, diplômés d’écoles à Paris ou Houston, découvrent la biographie de l’homme – ses chutes, ses retours, ses tribunes sur la transition verte, ses conseils pour une meilleure gouvernance énergétique.

« Il avait compris, bien avant d’autres, que l’enjeu était de former une élite africaine du pétrole, ajoute Fatou, ingénieure à Libreville. Mais il incarnait aussi la zone grise du lien public-privé, la difficulté à séparer stratégie nationale et stratégie individuelle. Nous sommes sa génération… en mieux, je l’espère. »

Les médias rapportent, les réseaux débattent, l’Afrique recompose l’histoire

L’hommage officiel, sobre, de l’Élysée : « Artisan d’un dialogue franco-africain, pilote d’industries d’avant-garde, Loïk Le Floch-Prigent aura marqué des décennies d’énergie commune. »

Mais sur les forums privés d’Afrique de l’Ouest, la discussion prend une tournure différente : on énumère les scandales, la figure du « roi de l’influence » protégé, les intermédiations, les flux occultes et la nécessité, aujourd’hui, d’un modèle entièrement réformé. Des universitaires comparent la saga Elf à la révolution annoncée des énergies renouvelables : « Qui sera le Le Floch-Prigent du solaire ou du lithium africain ? Avec quels risques, quelles leçons ? »

La presse économique s’intéresse au legs institutionnel : la réforme en profondeur des joint-ventures, la montée de la transparence, l’entrée d’élites africaines dans les conseils d’administration des géants de l’énergie.

Sur le terrain, entre mémoire ouvrière et ambition nouvelle

Au Togo, Benin, Gabon, Sénégal, des anciens d’Elf, aujourd’hui à la retraite ou formateurs, racontent les tournées du patron, ses exigences, son romantisme industriel, ses colères. Des chroniqueurs radio dressent le portrait d’une époque où tout semblait possible — ivresse des contrats, euphorie des grandes infrastructures, sentiment d’appartenir au centre du monde.

Mais la jeune génération, elle, retient surtout l’appel à l’éthique : « Plus jamais ça », disent-ils. Les géants d’aujourd’hui — TotalEnergies CNOOC, Oryx, Sasol — prétendent rompre définitivement avec la zone de flou qui a fait la gloire et la chute de Le Floch-Prigent. Des ONG organisent des “Nuits Blanches de la gouvernance”, discussions marathon sur le droit à l’énergie et la justice climatique, en marge de ses obsèques.

L’homme, le symbole, la quête de transmission

Dakar, Ouagadougou, Brazzaville : des écoles d’ingénieurs et de commerce dédient des ateliers à la question : « Peut-on apprendre d’une carrière si contrastée ? » Les enseignants relient le parcours de Le Floch-Prigent à la globalisation, à la place des États dans la gestion du bien commun, à l’émergence post-coloniale de managers africains qui revendiquent la maîtrise totale des stratégies et des flux.

Et si sa mort, paradoxalement, signait la naissance d’un nouveau cycle ? Sur LinkedIn, des jeunes professionnels soudent leurs réseaux, multiplient les groupes d’entraide pour accompagner un continent qui veut en finir avec la dépendance, l’opacité, mais pas le goût de l’ambition.

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