Introduction
La Méditerranée, berceau de civilisations, est devenue au XXIe siècle le théâtre de tragédies humaines sans précédent. Chaque année, des milliers de migrants et réfugiés tentent la traversée vers l’Europe, au péril de leur vie. Derrière ces drames, les politiques migratoires européennes, les accords de « délocalisation » des contrôles et la coopération sécuritaire avec les pays du Maghreb et du Sahel. Ce dossier analyse les conséquences de ces choix, les problématiques juridiques et morales, et interroge la capacité de l’Europe à rester fidèle à ses valeurs.
1. La Méditerranée, cimetière des migrants
1.1. Chiffres et réalités
Depuis 2014, plus de 30 000 personnes sont mortes ou portées disparues en Méditerranée, selon l’OIM. En 2025, la tendance s’aggrave, avec plus de 1 200 morts recensés depuis janvier. Les routes les plus meurtrières restent la Libye-Italie et la Tunisie-Lampedusa.
1.2. Les causes de la migration
Conflits, dictatures, pauvreté, changement climatique, effondrement des ressources halieutiques (voir dossier précédent) poussent chaque année des milliers d’Africains à prendre la mer. Les réseaux de passeurs prospèrent sur le désespoir, tandis que les politiques européennes rendent les routes toujours plus dangereuses.
2. Les accords migratoires euro-africains : externalisation et conséquences
2.1. Les accords de contrôle externalisé
Pour limiter les arrivées, l’UE a multiplié les accords avec les pays du Maghreb (Maroc, Tunisie, Libye) et du Sahel (Niger, Mali), finançant la surveillance, la rétention et le refoulement des migrants. Ces accords, souvent conclus sans transparence, délèguent à des États tiers la gestion des frontières extérieures de l’Europe.

2.2. Conséquences humaines
- Centres de rétention : Les migrants arrêtés en Libye ou en Tunisie sont détenus dans des conditions dénoncées comme inhumaines par l’ONU et les ONG (torture, extorsion, viols, absence de soins).
- Refoulements en mer : Les gardes-côtes libyens, soutenus par l’UE, interceptent les embarcations et renvoient les migrants vers des zones de conflit.
- Criminalisation de l’aide humanitaire : Les ONG de sauvetage en mer sont entravées, voire poursuivies, pour avoir secouru des naufragés.
2.3. Impact sur le droit international
Les accords euro-africains posent de graves questions de droit : non-respect du principe de non-refoulement, violation de la Convention de Genève sur les réfugiés, contournement du droit d’asile. Les juridictions européennes sont saisies, mais les États invoquent la « nécessité » de protéger leurs frontières.
3. Problématiques de droits humains et crise morale
3.1. Dilemme européen
L’Europe, qui se veut championne des droits humains, est confrontée à un dilemme : concilier sécurité et respect des valeurs fondamentales. La fermeture des routes légales pousse les migrants dans les bras des passeurs et des mafias.
3.2. Témoignages et réalités
Des rescapés racontent l’enfer des camps libyens, les violences policières au Maroc, les naufrages sous les yeux des gardes-côtes. Les familles endeuillées réclament justice et vérité.
3.3. Mobilisation citoyenne
Des milliers de citoyens européens se mobilisent pour l’accueil, l’aide juridique et le sauvetage en mer. Des villes et régions déclarent leur solidarité, mais se heurtent à la fermeté des gouvernements.
4. Quelles solutions et quelles perspectives ?
4.1. Ouvrir des voies légales et sûres
- Visas humanitaires : Permettre aux personnes en danger de demander l’asile sans risquer leur vie en mer.
- Couloirs humanitaires : Organiser des ponts aériens pour les plus vulnérables.
4.2. Réformer les accords euro-africains
- Conditionner l’aide à la protection des droits humains : Suspendre le soutien aux pays qui violent les droits fondamentaux.
- Transparence et contrôle démocratique : Impliquer les parlements et la société civile dans la négociation et le suivi des accords.

4.3. Renforcer l’aide au développement
- Soutenir les économies locales : Investir dans l’éducation, la santé, l’emploi et la résilience climatique pour réduire les causes profondes de la migration.
- Coopération équitable : Mettre fin à l’externalisation punitive et privilégier des partenariats fondés sur la dignité et le respect mutuel.
4.4. Refonder la politique migratoire européenne
- Respect du droit d’asile : Garantir un accès effectif à la protection pour les réfugiés.
- Solidarité intra-européenne : Répartir l’accueil des migrants entre États membres, soutenir les collectivités locales.
Conclusion
La Méditerranée restera une mer de sang tant que l’Europe privilégiera la fermeture sur la solidarité. Le respect des droits humains, la réforme des accords migratoires et l’ouverture de voies sûres sont les seules réponses conformes à l’histoire et aux valeurs européennes. L’Afrique et l’Europe ont tout à gagner à bâtir une coopération fondée sur la justice, la dignité et l’espoir.