Introduction
Mayotte, département français d’outre-mer au cœur de l’océan Indien, est une nouvelle fois sous le feu des projecteurs. L’Assemblée nationale vient d’adopter une mesure permettant la destruction expresse des bidonvilles, dans un délai de 24 heures pour tout « habitat informel » construit depuis moins de sept jours1. Présentée comme une réponse à l’urgence sanitaire et sécuritaire, cette disposition suscite une vive controverse sur l’île : entre partisans d’un retour à l’ordre et défenseurs des droits humains, le débat fait rage. Africanova décrypte les enjeux d’une mesure qui révèle les fractures sociales, politiques et identitaires de Mayotte.
Un contexte de crise permanente
Mayotte fait face à une pression migratoire sans précédent. Près de la moitié de la population est étrangère ou d’origine étrangère, principalement venue des Comores voisines. L’explosion démographique, la pauvreté et le manque criant de logements ont favorisé l’émergence de centaines de « bangas » : des habitations précaires, souvent construites de nuit, sans eau ni électricité. Ces bidonvilles, parfois installés sur des terrains publics ou privés, abritent des familles entières, dont beaucoup d’enfants.
Face à cette situation, les autorités locales et nationales invoquent l’urgence sanitaire : insalubrité, épidémies, insécurité, violences urbaines. La destruction rapide des nouveaux habitats informels est présentée comme un moyen de reprendre le contrôle du territoire et de lutter contre les réseaux de passeurs. Mais la méthode, jugée brutale par de nombreux élus et associations, soulève de graves questions sur le respect des droits fondamentaux.
Une mesure qui divise
Pour ses partisans, la mesure est indispensable. Ils dénoncent l’inaction de l’État face à la prolifération des bidonvilles, l’impuissance des forces de l’ordre et la dégradation de la qualité de vie pour les Mahorais. « On ne peut pas laisser l’île devenir une zone de non-droit », martèle un député local. Les commerçants, les riverains et une partie de la classe politique réclament des actions fortes pour restaurer l’ordre, protéger les écoles, les marchés et les infrastructures.
Mais pour ses opposants, la destruction expresse des habitats précaires est une atteinte inacceptable à la dignité humaine. Les associations de défense des droits de l’homme, la gauche et de nombreux acteurs de la société civile dénoncent une politique de stigmatisation des plus pauvres, qui ne s’attaque pas aux causes profondes de la crise : absence de politique du logement, manque de régularisation, précarité généralisée. « On ne résout pas la misère par le bulldozer », déplore un militant local.

Les conséquences humaines et sociales
Derrière la bataille politique, ce sont des milliers de familles qui risquent de se retrouver à la rue du jour au lendemain. Les enfants, souvent déscolarisés, sont les premières victimes de ces expulsions. Les associations alertent sur le risque d’aggravation de la crise humanitaire : errance, violences, ruptures familiales, tensions communautaires. Le tissu social de Mayotte, déjà fragilisé par les inégalités et les discriminations, pourrait être durablement ébranlé.
Un défi pour la République
La crise des bidonvilles à Mayotte pose la question de la capacité de la République à garantir l’égalité des droits et la dignité pour tous ses citoyens, où qu’ils vivent. L’île, département français depuis 2011, reste l’un des territoires les plus pauvres de France, avec un taux de chômage record, un accès limité aux soins et à l’éducation, et une défiance croissante envers l’État. La gestion de la crise migratoire, entre fermeté et humanité, sera un test majeur pour le gouvernement.
Conclusion
La destruction expresse des bidonvilles à Mayotte révèle les contradictions d’une politique tiraillée entre urgence sécuritaire et exigence de solidarité. Si la mesure peut répondre à une partie de la population en quête d’ordre, elle risque aussi d’aggraver les fractures et de nourrir la défiance. Pour sortir de l’impasse, il faudra inventer une politique du logement ambitieuse, renforcer la coopération régionale et replacer la dignité humaine au cœur de l’action publique.