Lomé – La capitale togolaise a été le théâtre de trois jours de manifestations d’une rare intensité, marquant une nouvelle étape dans la contestation contre le régime du président Faure Gnassingbé. Selon plusieurs organisations de défense des droits humains, au moins sept personnes ont perdu la vie lors d’affrontements entre manifestants et forces de l’ordre, tandis que des dizaines d’autres ont été blessées ou interpellées.
Tout a commencé par un appel à manifester lancé par une coalition de partis d’opposition et d’organisations de la société civile, dénonçant la longévité au pouvoir de la famille Gnassingbé, à la tête du Togo depuis plus d’un demi-siècle. Les revendications portaient sur l’ouverture du jeu politique, la limitation des mandats présidentiels et la libération des prisonniers politiques. Très vite, les rassemblements pacifiques ont dégénéré en heurts, notamment dans les quartiers populaires de Lomé, où des barricades de fortune ont été dressées et des pneus incendiés.
Face à la mobilisation, les autorités ont opté pour la fermeté. Des unités anti-émeutes ont été déployées en nombre, utilisant gaz lacrymogènes, matraques et balles en caoutchouc pour disperser les foules. Plusieurs témoins rapportent des tirs à balles réelles, ce que le gouvernement dément, affirmant avoir agi « dans le respect des lois et pour protéger les biens et les personnes ». Le bilan humain, lourd et provisoire, suscite l’indignation au sein de la population et relance le débat sur la gestion autoritaire du pouvoir.
La société civile togolaise, longtemps muselée, tente de s’organiser face à la répression. Des collectifs de jeunes, des syndicats et des associations de femmes multiplient les appels au dialogue et à la désescalade. Mais le climat reste tendu : plusieurs leaders d’opinion ont été arrêtés ou menacés de poursuites judiciaires, tandis que les réseaux sociaux bruissent de témoignages et de vidéos montrant la violence des affrontements.
Dans ce contexte, la communauté internationale s’inquiète de la situation. L’Union africaine et la CEDEAO appellent au calme et à la reprise du dialogue entre pouvoir et opposition. La France, ancienne puissance coloniale, a exprimé sa « profonde préoccupation » et appelé au respect des droits fondamentaux. Mais pour de nombreux Togolais, ces réactions restent insuffisantes face à ce qu’ils perçoivent comme une crise démocratique majeure.
La question de la limitation des mandats présidentiels demeure au cœur du bras de fer. Faure Gnassingbé, au pouvoir depuis 2005 après avoir succédé à son père, a déjà modifié la Constitution pour se maintenir. L’opposition dénonce une « confiscation du pouvoir » et réclame une alternance pacifique, tandis que le régime met en avant la stabilité et la croissance économique.
Pour la jeunesse togolaise, majoritaire dans la population, l’enjeu est aussi celui de l’avenir : accès à l’emploi, liberté d’expression, justice sociale. Les émeutes récentes traduisent un profond malaise et une soif de changement. Reste à savoir si le pouvoir saura entendre ces aspirations ou s’il choisira la voie de la répression.
Dans les rues de Lomé, l’heure est à l’incertitude. Les familles endeuillées réclament justice, les militants appellent à la mobilisation, et le pays retient son souffle. Le Togo, souvent cité en exemple pour sa stabilité relative en Afrique de l’Ouest, se retrouve aujourd’hui à la croisée des chemins, entre ouverture démocratique et tentation autoritaire.