Le Mali reste au cœur des débats géopolitiques africains. Depuis le retrait progressif des forces françaises de l’opération Barkhane et la montée en puissance de l’influence russe, les relations entre Bamako et Paris se sont considérablement dégradées. Aujourd’hui, ces tensions illustrent à la fois les fractures diplomatiques et les recompositions géopolitiques en cours au Sahel.
Une rupture amorcée dès 2021
Les relations franco-maliennes ont basculé après le deuxième coup d’État militaire en 2021. Le colonel Assimi Goïta, désormais président de transition, a accusé la France d’ingérence et de duplicité. En réponse, Paris a organisé un retrait de ses forces, mettant fin à une décennie d’opérations militaires contre les groupes djihadistes.
L’arrivée des Russes
Ce retrait a ouvert la voie à la Russie. À travers des accords militaires et l’envoi de contractuels armés assimilés au groupe Wagner, Moscou s’impose comme nouveau partenaire privilégié de Bamako. Cette évolution fragilise encore davantage les relations avec Paris, qui observe la situation avec méfiance et accuse Moscou de déstabiliser la région.
Une coopération sécuritaire au point mort
Les autorités maliennes affirment qu’elles mèneront seules la lutte contre les groupes djihadistes qui frappent brutalement le centre et le nord du pays. Mais dans les faits, les exactions augmentent et la situation humanitaire est alarmante, avec plus de 2 millions de déplacés internes.
La France, tout en réduisant sa présence, maintient une pression diplomatique et des sanctions ciblées via l’Union européenne. En réponse, Bamako accuse Paris de vouloir maintenir une tutelle postcoloniale.
L’Union africaine et la CEDEAO en arbitre difficile
La CEDEAO, confrontée à une vague de putschs (Niger, Burkina Faso, Guinée), peine à gérer la situation. Quant à l’Union africaine, elle n’a pas réussi à freiner les tensions. Le Mali, convergent avec le Burkina Faso et le Niger, revendique une souveraineté pleine, au risque d’une rupture totale avec ses partenaires occidentaux traditionnels.
Enjeu stratégique : le contrôle du Sahel
Le Sahel n’est pas seulement un espace de lutte contre le djihadisme. Il est aussi un territoire stratégique pour le contrôle des ressources naturelles (uranium, or, pétrole) et un couloir migratoire vers l’Europe. Le différend Bamako-Paris dépasse donc la simple coopération militaire : il marque la redistribution des influences mondiales en Afrique.
Vers une fracture durable ?
Malgré quelques signaux de modération, peu de commentateurs croient à une réconciliation à court terme. Tant que la Russie s’affirmera en partenaire militaire de premier plan, Bamako s’éloignera de Paris. Cette rupture, inédite par son intensité, redessine l’équilibre géopolitique au Sahel et incarne le basculement de l’influence africaine dans un monde multipolaire.
