Mali – L’armée se retire du camp stratégique de Boulkessi, nouvelle donne face à la menace jihadiste

Dans le centre du Mali, le retrait de l’armée malienne du camp militaire de Boulkessi marque un tournant dans la lutte contre les groupes jihadistes. Ce site, régulièrement attaqué ces dernières années, symbolisait la résistance de l’État face à l’emprise croissante des groupes armés dans la région du Sahel. Pourtant, la décision de quitter Boulkessi n’est pas seulement militaire : elle révèle les dilemmes sécuritaires, politiques et sociaux qui traversent le Mali contemporain.

Un camp sous pression constante

Boulkessi, situé près de la frontière burkinabè, a été le théâtre de plusieurs attaques meurtrières depuis 2019. Les soldats maliens y ont payé un lourd tribut, malgré le soutien logistique de partenaires étrangers et la présence ponctuelle de forces spéciales. Les groupes affiliés à Al-Qaïda ou à l’État islamique ont fait de la zone un terrain d’affrontement, multipliant embuscades et raids nocturnes. Le camp était devenu un symbole de résistance, mais aussi de vulnérabilité, exposé à l’isolement et au manque de renforts.

Pourquoi ce retrait maintenant ?

Le choix de quitter Boulkessi s’explique par plusieurs facteurs : épuisement des troupes, difficultés logistiques, absence de relève, mais aussi volonté de redéployer les forces sur des positions jugées plus stratégiques. Les autorités maliennes affirment vouloir « rationaliser » leur dispositif pour mieux protéger les populations et éviter la dispersion des effectifs. Mais sur le terrain, beaucoup y voient un aveu d’impuissance, voire un abandon des zones rurales à la loi des groupes armés.

Conséquences pour les populations locales

Pour les habitants de la région, le départ de l’armée suscite l’inquiétude. Nombreux sont ceux qui redoutent une recrudescence des violences, des exactions et des déplacements forcés. Les ONG alertent sur le risque d’une crise humanitaire, alors que l’accès à l’aide devient de plus en plus difficile. Les chefs de village réclament une protection accrue et appellent à la reprise du dialogue avec les groupes armés pour éviter l’escalade.

Un signal politique fort

Ce retrait intervient dans un contexte de transition politique fragile à Bamako. Les autorités maliennes, confrontées à la défiance d’une partie de la population et à la pression internationale, cherchent à afficher une nouvelle stratégie sécuritaire. Mais la perte de Boulkessi pourrait être interprétée comme un recul, voire une victoire symbolique pour les groupes jihadistes, qui ne manqueront pas d’exploiter l’événement dans leur propagande.

Enjeux régionaux et coopération internationale

La situation à Boulkessi relance le débat sur l’avenir de la coopération sécuritaire au Sahel. Le retrait progressif des forces françaises et la montée en puissance de la Russie et de nouveaux acteurs modifient les équilibres. Les voisins du Mali, notamment le Burkina Faso, s’inquiètent d’un effet domino sur la sécurité régionale. La question du partage du renseignement, de l’appui aérien et de la coordination transfrontalière devient plus cruciale que jamais.

Vers une nouvelle phase du conflit ?

Le départ de l’armée de Boulkessi ne signe pas la fin du conflit, mais amorce une nouvelle phase. Les groupes armés pourraient renforcer leur emprise, mais la population locale, les leaders religieux et les associations civiles cherchent aussi à inventer de nouveaux modes de résilience. Le défi pour le Mali sera de trouver un équilibre entre sécurité, dialogue et développement, dans un contexte où chaque recul de l’État nourrit la défiance et l’instabilité.

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