Mali – La Transition suspend sine die les activités politiques face à la contestation

Introduction

Le Mali traverse une nouvelle phase de tension politique majeure. Le 7 mai 2025, le président de la Transition, Assimi Goïta, a signé un décret suspendant « jusqu’à nouvel ordre pour raison d’ordre public les activités des partis politiques sur toute l’étendue du territoire national ». Cette décision, prise dans un contexte de contestation croissante contre la junte militaire et d’incertitude sur la durée de la transition, suscite des réactions vives au sein de la classe politique, de la société civile et de la communauté internationale. Cet article propose une analyse détaillée des causes de cette suspension, de ses conséquences pour la démocratie malienne, et des perspectives pour la sortie de crise.

Un contexte de transition sous haute tension

Depuis le coup d’État d’août 2020, le Mali est dirigé par une junte militaire, qui a promis une transition vers un retour à l’ordre constitutionnel. Les échéances électorales ont été repoussées à plusieurs reprises, alimentant la frustration de la population et des partis politiques. La dissolution du gouvernement civil de transition en 2021, puis la nomination d’Assimi Goïta à la tête de l’État, ont renforcé la mainmise des militaires sur le pouvoir.

Au fil des mois, la société civile et l’opposition ont multiplié les appels à un calendrier clair de retour à la démocratie. Des manifestations ont eu lieu dans plusieurs villes, dénonçant la restriction des libertés, la dégradation de la situation sécuritaire et la crise économique.

Le décret de suspension : motivations et portée

Le décret signé le 7 mai 2025 suspend purement et simplement toutes les activités des partis politiques, sans limitation de durée. Les autorités invoquent des raisons d’ordre public, affirmant que les activités politiques sont devenues un facteur de division et de déstabilisation dans un contexte sécuritaire déjà critique.

Cette mesure s’inscrit dans une logique de contrôle strict de l’espace public. Elle fait suite à une série de restrictions : interdiction de manifestations, censure des médias, arrestations de leaders politiques et associatifs. Le gouvernement de transition justifie ces décisions par la nécessité de préserver l’unité nationale face à la menace djihadiste et à la pression des groupes armés dans le centre et le nord du pays.

Réactions politiques et sociales

La suspension des partis politiques a provoqué une onde de choc dans tout le pays.

  • Les partis politiques, qu’ils soient de l’opposition ou du camp présidentiel, dénoncent une dérive autoritaire et une tentative de museler toute contestation. Plusieurs leaders ont appelé à la désobéissance civile et à la mobilisation pacifique pour défendre les acquis démocratiques.
  • La société civile s’inquiète de la fermeture de l’espace politique et de la remise en cause des libertés fondamentales. Des ONG nationales et internationales alertent sur le risque d’un retour à la dictature militaire.
  • La communauté internationale (CEDEAO, Union africaine, Union européenne, France, États-Unis) a exprimé sa préoccupation et appelé à la levée des restrictions, tout en rappelant la nécessité d’un dialogue inclusif pour sortir de la crise.

Les enjeux pour la démocratie malienne

La suspension sine die des activités politiques remet en cause le processus de transition démocratique. Elle prive les citoyens de leur droit à l’expression politique et à la participation au débat public. Elle affaiblit également la légitimité du pouvoir de transition, qui apparaît de plus en plus isolé.

Le risque est grand de voir la contestation se radicaliser et de provoquer des affrontements entre partisans de la junte et opposants. La fermeture de l’espace politique pourrait aussi renforcer la défiance envers les institutions et favoriser l’émergence de mouvements clandestins.

Les causes profondes de la crise

Plusieurs facteurs expliquent la décision des autorités maliennes :

  • La peur de l’instabilité : la junte craint que la multiplication des manifestations et des critiques ne débouche sur un nouveau soulèvement populaire.
  • La pression sécuritaire : la situation au nord et au centre du pays reste très précaire, avec des attaques régulières de groupes djihadistes et une armée malienne en difficulté.
  • Les divisions internes : la transition est traversée par des rivalités entre différents clans militaires et civils, qui cherchent à préserver leurs intérêts.

Perspectives pour la sortie de crise

La résolution de la crise politique au Mali passe par plusieurs étapes :

  • La reprise du dialogue : il est urgent de rétablir la confiance entre les autorités de transition, les partis politiques et la société civile. Un dialogue inclusif, sous l’égide de médiateurs nationaux et internationaux, pourrait permettre de définir un calendrier de retour à l’ordre constitutionnel.
  • La levée progressive des restrictions : la réouverture de l’espace politique est indispensable pour garantir la participation de tous les acteurs à la transition.
  • La préparation d’élections crédibles : la mise en place d’une commission électorale indépendante et la garantie de la liberté d’expression sont des conditions essentielles pour organiser des élections libres et transparentes.

Conclusion

La suspension sine die des activités politiques au Mali marque un recul inquiétant pour la démocratie dans le pays. Si la sécurité et l’unité nationale sont des priorités, elles ne sauraient justifier la remise en cause des libertés fondamentales. La sortie de crise passe par le dialogue, la transparence et la participation de tous les acteurs à la construction d’un Mali stable et démocratique.

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