Dakar – Alors que l’Afrique a célébré en 2020 la certification de l’éradication du poliovirus sauvage sur le continent, la lutte contre la poliomyélite reste d’une actualité brûlante. Des flambées épidémiques récentes, notamment au Nigeria, en République démocratique du Congo et au Soudan, rappellent que la victoire contre cette maladie invalidante demeure fragile. Les autorités sanitaires, soutenues par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et les grands bailleurs internationaux, redoublent d’efforts pour éviter une résurgence du virus et atteindre l’objectif de l’éradication totale.
La poliomyélite, maladie virale très contagieuse, touche principalement les enfants de moins de cinq ans. Elle peut entraîner des paralysies irréversibles, voire la mort. Grâce à des campagnes massives de vaccination menées depuis plus de trente ans, le nombre de cas a chuté de plus de 99% sur le continent africain. Mais le combat n’est pas terminé : des poches de résistance subsistent, alimentées par l’insécurité, la défiance envers les autorités sanitaires et les difficultés logistiques dans certaines zones reculées.
Au Nigeria, pays longtemps considéré comme le « dernier bastion » de la polio en Afrique, de nouveaux cas de poliovirus circulant dérivé d’une souche vaccinale (cVDPV2) ont été signalés dans plusieurs États du nord. Les campagnes de vaccination, perturbées par l’insécurité liée aux groupes armés et à Boko Haram, peinent à atteindre toutes les communautés. Les équipes de santé, souvent confrontées à des attaques ou à la méfiance des populations, redoublent d’ingéniosité pour acheminer les vaccins et sensibiliser les familles.
En République démocratique du Congo et au Soudan, la situation est tout aussi préoccupante. Les déplacements massifs de populations, la faiblesse des systèmes de santé et la désinformation compliquent la riposte. Les autorités sanitaires locales, appuyées par l’OMS, l’UNICEF et la Fondation Bill & Melinda Gates, multiplient les campagnes de rattrapage, les formations de volontaires et les initiatives de communication adaptées aux contextes culturels.
La lutte contre la polio en Afrique est aussi un défi de gouvernance et de coopération régionale. Les frontières poreuses, les mouvements de populations et la nécessité d’une coordination transfrontalière imposent une mobilisation sans faille. Les ministres de la Santé de la région ont récemment adopté une feuille de route commune, axée sur le renforcement de la surveillance épidémiologique, la vaccination de routine et l’implication des leaders communautaires.
Mais la réussite de l’éradication dépend aussi de la confiance des populations. Les fausses rumeurs sur les vaccins, parfois relayées par des leaders religieux ou politiques, freinent l’adhésion aux campagnes. Les experts insistent sur l’importance d’un dialogue constant avec les communautés, d’une transparence accrue et d’une adaptation des messages aux réalités locales. Les succès enregistrés dans certaines régions montrent que l’implication des chefs traditionnels, des femmes et des jeunes est un levier puissant pour surmonter les résistances.
Le financement reste un enjeu crucial. Si les partenaires internationaux ont maintenu leur engagement, la baisse de la vigilance mondiale après la pandémie de Covid-19 fait craindre un relâchement. Les autorités africaines appellent à une mobilisation durable des ressources, à l’innovation dans les stratégies de vaccination et à l’intégration de la lutte contre la polio dans les systèmes de santé de base.
L’éradication de la poliomyélite en Afrique serait une victoire historique pour la santé publique mondiale. Mais le chemin reste semé d’embûches : il faudra poursuivre les efforts, investir dans la prévention et la surveillance, et ne jamais baisser la garde. Pour les millions d’enfants africains, l’enjeu est vital : un continent sans polio est à portée de main, à condition de maintenir la mobilisation et la solidarité.
