Addis-Abeba – L’Éthiopie a franchi une étape historique ce week-end avec l’inauguration officielle de son méga barrage sur le Nil Bleu, le Grand Barrage de la Renaissance (GERD). Ce projet titanesque, lancé il y a plus de dix ans, symbolise à la fois l’ambition d’un pays en quête d’autonomie énergétique et les tensions régionales que suscite la gestion des eaux du Nil.
Un projet d’envergure continentale
Le GERD, désormais le plus grand barrage hydroélectrique d’Afrique, s’élève à plus de 145 mètres de haut et s’étend sur près de 1,8 kilomètre de long. Sa capacité de production, estimée à plus de 5 000 mégawatts, devrait permettre à l’Éthiopie de doubler son offre nationale d’électricité et d’exporter une part significative de cette énergie vers ses voisins, notamment le Soudan, Djibouti et le Kenya.
Pour le Premier ministre Abiy Ahmed, l’inauguration du barrage marque « le début d’une nouvelle ère » pour l’Éthiopie : « Nous avons prouvé que la détermination et l’unité nationale peuvent transformer nos rêves en réalités. Ce barrage est le fruit de la contribution de chaque Éthiopien, des plus modestes aux plus fortunés, qui ont financé ce projet par des dons, des obligations et leur engagement. »
Un levier de développement et d’industrialisation
L’impact du GERD dépasse largement la question énergétique. L’accès à une électricité abondante et à moindre coût devrait favoriser l’industrialisation du pays, attirer les investisseurs étrangers et améliorer la qualité de vie de millions d’Éthiopiens. D’après le ministère de l’Énergie, plus de 60% de la population n’a toujours pas accès à l’électricité, un frein majeur au développement économique et social.
La perspective d’exporter de l’électricité vers les pays voisins ouvre également de nouvelles sources de revenus pour l’État éthiopien, tout en renforçant l’intégration régionale. Le Kenya, par exemple, a déjà signé des accords pour importer de l’électricité éthiopienne, tandis que le Soudan bénéficiera d’un approvisionnement plus stable et moins coûteux.
Des tensions persistantes avec l’Égypte et le Soudan
Mais ce projet d’envergure n’est pas sans controverse. L’Égypte, en aval du Nil, voit dans le GERD une menace potentielle pour son approvisionnement en eau, vital pour son agriculture et sa population. Malgré des années de négociations, aucun accord définitif n’a été trouvé sur la gestion du remplissage et de l’exploitation du barrage. Le Soudan, quant à lui, oscille entre inquiétudes et espoirs, craignant d’éventuelles perturbations hydriques mais espérant bénéficier d’une régulation accrue du fleuve.
Lors de la cérémonie d’inauguration, le gouvernement éthiopien a renouvelé son appel au dialogue et à la coopération régionale, affirmant que le barrage « ne vise pas à nuire aux intérêts de ses voisins, mais à promouvoir le développement pour tous les peuples du bassin du Nil ».
Un symbole d’unité nationale
Au-delà des enjeux géopolitiques, le GERD est devenu un puissant symbole d’unité nationale pour l’Éthiopie. Dans un pays marqué par les tensions ethniques et les défis politiques, la réussite de ce projet fédérateur est saluée comme un modèle de résilience et de mobilisation collective. Les festivités organisées à Addis-Abeba et dans plusieurs grandes villes témoignent de la fierté populaire suscitée par l’achèvement du barrage.
Les défis à venir
L’exploitation optimale du GERD ne sera pas sans défis. Il faudra garantir la maintenance des infrastructures, assurer la formation des techniciens et poursuivre le dialogue avec les pays riverains pour éviter toute escalade diplomatique. Par ailleurs, la gestion durable de l’environnement et la préservation des écosystèmes du Nil restent des priorités pour les autorités et les ONG.
Une nouvelle ère pour l’Afrique de l’Est
L’inauguration du Grand Barrage de la Renaissance marque un tournant pour l’Éthiopie et, plus largement, pour l’Afrique de l’Est. Elle illustre la capacité du continent à mener à bien des projets structurants d’envergure, porteurs de transformation et d’espoir. Si les défis sont nombreux, les opportunités ouvertes par ce barrage pourraient bien changer la donne pour des millions de personnes, et inspirer d’autres nations africaines à investir dans des infrastructures ambitieuses.
