Introduction
Le Lesotho, petit royaume enclavé au cœur de l’Afrique australe, vient de franchir une étape décisive dans sa transition numérique. Le gouvernement a officiellement accordé une licence d’exploitation à Starlink, la société d’internet par satellite fondée par Elon Musk. Cette décision, qui suscite à la fois enthousiasme et controverse, pourrait transformer radicalement l’accès à internet dans le pays et servir de modèle pour d’autres nations africaines confrontées à la fracture numérique. Mais au-delà des promesses, de nombreux défis et interrogations persistent.
Un accès à internet inégal et limité
Jusqu’à présent, le Lesotho souffrait d’une couverture internet très inégale. Les infrastructures filaires, concentrées dans la capitale Maseru et quelques centres urbains, laissaient la majorité de la population rurale sans accès fiable au réseau. Selon les chiffres de l’Union internationale des télécommunications, moins de 40 % des Basotho avaient accès à internet en 2023, avec des débits souvent faibles et des coûts prohibitifs pour la majorité.
Cette situation freinait non seulement l’éducation et l’accès à l’information, mais aussi le développement économique, l’innovation et la participation citoyenne. Les étudiants des zones rurales, par exemple, peinaient à suivre les cours à distance pendant la pandémie de Covid-19, accentuant les inégalités sociales et éducatives.
L’arrivée de Starlink : promesse de rupture
Avec sa constellation de milliers de satellites en orbite basse, Starlink promet une connexion internet haut débit, stable et accessible même dans les régions les plus reculées. Le gouvernement du Lesotho a salué cette avancée comme une « révolution numérique », capable de connecter écoles, centres de santé, entreprises et ménages isolés.
Le ministre des Communications, Tšeliso Lesenya, a déclaré lors de la cérémonie d’annonce :
« Nous voulons garantir que chaque citoyen, où qu’il vive, ait accès à l’internet et puisse saisir les opportunités du monde moderne. Starlink va transformer notre économie, notre éducation et nos services publics. »

Un débat national sur la souveraineté numérique
Mais cette ouverture ne fait pas l’unanimité. Plusieurs opérateurs locaux dénoncent une concurrence jugée déloyale, craignant de ne pouvoir rivaliser avec la puissance financière et technologique de Starlink. Ils pointent aussi le risque d’une dépendance accrue à une entreprise étrangère pour une infrastructure stratégique.
Des voix de la société civile et des experts en cybersécurité s’inquiètent de la protection des données personnelles et de la capacité du pays à réguler efficacement un service opéré depuis l’étranger. Le débat sur la souveraineté numérique s’invite donc dans l’arène politique, certains parlementaires appelant à des garanties sur la localisation des serveurs et la conformité aux lois nationales.
Les avantages attendus
Malgré ces réserves, de nombreux acteurs saluent les bénéfices attendus. Pour les entrepreneurs, l’arrivée de Starlink pourrait stimuler la création de start-ups et l’essor de l’économie numérique, notamment dans le commerce en ligne, l’agritech et la fintech. Les enseignants espèrent pouvoir accéder à des ressources pédagogiques mondiales et proposer des cours interactifs à distance.
Dans le secteur de la santé, la télémédecine pourrait enfin devenir une réalité, permettant aux médecins des régions isolées de consulter des spécialistes internationaux ou de suivre des formations en ligne. Les ONG voient aussi dans Starlink un outil pour améliorer la coordination de l’aide humanitaire et la diffusion des alertes en cas de catastrophe.
Un modèle pour l’Afrique ?
L’expérience du Lesotho est suivie de près par d’autres pays africains confrontés aux mêmes défis. Si l’intégration de Starlink s’avère positive, elle pourrait inspirer des nations comme le Malawi, la Zambie ou le Tchad à adopter des solutions similaires pour combler leur propre fracture numérique.
L’Union africaine, dans sa stratégie « Agenda 2063 », encourage d’ailleurs le développement de l’infrastructure numérique et l’accès universel à internet comme leviers de transformation économique, sociale et politique.
Les défis à relever
Pour que la promesse devienne réalité, plusieurs obstacles devront cependant être surmontés. Le coût des équipements Starlink (antennes et modems) reste élevé pour de nombreux ménages, même si le gouvernement a annoncé des subventions ciblées pour les écoles et les centres de santé. La formation des utilisateurs, la maintenance des équipements et la sensibilisation à la cybersécurité seront aussi des enjeux majeurs.
Enfin, la question de la régulation et de la fiscalité devra être clarifiée pour garantir un environnement équitable et sécurisé pour tous les acteurs du secteur.
Conclusion
L’octroi de la licence à Starlink marque un tournant pour le Lesotho et, potentiellement, pour l’Afrique tout entière. Entre espoirs de transformation et défis de souveraineté, le pays s’engage sur la voie d’une révolution numérique qui pourrait changer la vie de millions de citoyens. Reste à voir si la promesse d’un internet pour tous tiendra ses promesses face aux réalités économiques, sociales et politiques.