Le paysage audiovisuel africain connaît une révolution sans précédent : les séries africaines s’imposent désormais sur la scène mondiale, portées par le succès fulgurant de productions originales sur Netflix et d’autres plateformes internationales. Ce phénomène, qui bouleverse les codes du divertissement, révèle la puissance créative du continent et la soif d’histoires authentiques, modernes et universelles.
Des succès nigérians et sud-africains qui font date
En juillet 2024, la série nigériane « Oloture : The Journey » a intégré le Top 10 mondial des séries non anglophones sur Netflix, avec 1,7 million de vues en une semaine13. Cette création, fruit d’un partenariat entre la plateforme et les studios EbonyLife, confirme le potentiel des productions africaines à captiver un public international. Ce n’est pas un cas isolé : en 2023, le film « Jagun Jagun » avait déjà atteint le Top 10 aux États-Unis et en Grande-Bretagne, illustrant la montée en puissance de Nollywood, l’industrie cinématographique nigériane13.
La série sud-africaine « Blood & Water » est un autre exemple emblématique. Première série africaine produite sur plusieurs saisons pour Netflix, elle cartonne partout dans le monde depuis sa sortie, séduisant par son intrigue de « teen thriller », son casting 100 % sud-africain et son tournage dans les plus beaux lieux du Cap2. « Blood & Water » s’adresse à une jeunesse urbaine, multilingue et connectée, tout en offrant une image positive et moderne de l’Afrique, loin des clichés habituels2. Les actrices Ama Qamata et Khosi Ngema sont devenues de véritables icônes, suivies par des millions de fans sur les réseaux sociaux.
Une industrie en pleine mutation
La réussite de ces séries tient à plusieurs facteurs : la qualité des scénarios, l’investissement dans la production, la formation des talents locaux et la volonté de raconter des histoires africaines, par des Africains, pour le monde entier. Netflix, qui a investi plus de 160 millions d’euros en Afrique depuis 2016, multiplie les partenariats avec des studios locaux, offrant aux créateurs une visibilité et des moyens inédits6.

D’autres séries comme « Queen Sono », « Sakho & Mangane », « Shanty Town » ou « Savage Beauty » (thriller dramatique sud-africain) confirment la diversité des genres et des thèmes abordés : enquêtes policières, drames sociaux, histoires de vengeance, récits d’émancipation féminine ou de lutte contre la corruption46. Loin d’être cantonnées à la comédie ou au folklore, les productions africaines explorent tous les registres, avec une ambition internationale assumée.
Un impact culturel et social majeur
Ce boom des séries africaines a un impact profond sur la jeunesse du continent, qui se reconnaît enfin dans des personnages, des décors et des problématiques proches de son quotidien. Les séries deviennent des phénomènes de société, générant des débats, des tendances de mode et même des vocations dans les métiers du cinéma6. Elles contribuent aussi à changer le regard porté sur l’Afrique, valorisant sa créativité, sa modernité et sa capacité à innover.
Les plateformes internationales jouent un rôle crucial dans cette dynamique, mais des défis persistent : le nombre limité de distributeurs locaux capables d’exposer ces œuvres à un large public, la disparition d’événements comme le DISCOP Afrique qui facilitaient la promotion, et la nécessité de former davantage de professionnels aux métiers de l’image13. La question de la distribution et de la pérennité des financements reste centrale pour assurer la croissance du secteur.
Vers une nouvelle ère du soft power africain
Le succès mondial des séries africaines est aussi un enjeu de soft power : il permet au continent d’exporter ses valeurs, ses imaginaires et ses talents, tout en affirmant sa place dans la mondialisation culturelle. Netflix, Canal+ et d’autres acteurs misent désormais sur l’Afrique pour renouveler leur offre et conquérir de nouveaux marchés8. Les créateurs africains, portés par ce mouvement, rêvent déjà de rivaliser avec les grandes productions américaines ou asiatiques.
L’avenir s’annonce prometteur : la jeunesse africaine, ultra-connectée et avide de récits qui lui ressemblent, pousse l’industrie à innover et à se professionnaliser. Les succès de « Oloture », « Blood & Water » ou « Savage Beauty » ne sont que les premiers chapitres d’une histoire qui s’écrit désormais à l’échelle planétaire.