Le 22 septembre 2025 restera une date historique marquant un tournant décisif dans la relation entre certains pays africains et la communauté internationale en matière de justice pénale internationale. Le Burkina Faso, le Mali et le Niger, réunis au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES), ont annoncé leur retrait immédiat du Statut de Rome, base juridique de la Cour pénale internationale (CPI). Ce retrait, officiel mais prenant effet un an plus tard, traduit une profonde défiance et un rejet des institutions internationales que ces pays jugent à la fois partielles et instrumentalisées à des fins néocoloniales.
Contexte politique et sécuritaire explosif
L’annonce a été faite à travers un communiqué conjoint relayé par les médias locaux, notamment par le ministre de la Communication du Burkina Faso, Pingdwendé Gilbert Ouédraogo. Derrière ce geste souverainiste se cache une décennie de tensions et de crises sécuritaires majeures pour ces pays sahéliens, en butte à des insurrections djihadistes violentes qui fragilisent les gouvernances et alimentent un climat d’instabilité permanente.
Ces États se trouvent ainsi au cœur d’un conflit asymétrique complexe, où des groupes armés terroristes liés à Al-Qaïda ou à l’État islamique exercent leur emprise sur des territoires entiers. Les forces gouvernementales, quant à elles, sont fréquemment accusées par des ONG et des experts internationaux de violations graves des droits humains, du type exécutions sommaires et traitements inhumains des populations civiles.
Critiques de la Cour pénale internationale
Le retrait de ces pays s’inscrit dans un rejet explicite de la CPI, accusée d’exercer une justice à géométrie variable ou « justice sélective ». En effet, les États membres de l’AES dénoncent une organisation qui ciblerait principalement les dirigeants africains, tout en restant absente des enquêtes contre les puissances occidentales ou alliées. Cette perception d’une justice instrumentalisée comme un outil de répression impérialiste a largement contribué à la décision souveraine.
Un appel à une justice endogène et enracinée
Dans leur communiqué commun, les pays membres de l’AES affirment leur volonté d’« affirmer pleinement leur souveraineté » en recourant à des mécanismes endogènes pour la consolidation de la paix et de la justice. Ils réaffirment le respect des droits humains, mais veulent que ceux-ci soient interprétés et appliqués conformément aux valeurs culturelles et sociétales propres à leur région.
C’est un appel fort au développement d’une justice africaine autonome, adaptée aux réalités locales et libérée des influences extérieures qui, selon eux, ont entravé l’efficacité du droit international.
Conséquences juridiques et diplomatiques
Selon le Statut de Rome, le retrait de la CPI ne devient effectif qu’un après notification auprès des Nations unies, délai pendant lequel les États restent soumis à leurs obligations internationales. Cette période permettra notamment à la Cour de poursuivre les enquêtes en cours, en particulier celles sur des crimes commis au Mali.
Toutefois, ce retrait symbolise un isolement diplomatique qui pourrait fortement affaiblir la lutte internationale contre l’impunité dans la région sahélienne. Des organisations comme Amnesty International ou Human Rights Watch ont immédiatement exprimé leur inquiétude, estimant que cela compromettait gravement la justice pour les victimes.
Réactions internationales contrastées
Sur la scène internationale, cette décision a provoqué un séisme diplomatique. L’Union européenne, les États-Unis et les Nations unies ont appelé au respect des principes de justice internationale. La Russie, de son côté, soutient la souveraineté accumulée de ces États et a souvent affiché une posture critique envers l’IPC.

L’Afrique du Sud, autre grande puissance du continent, a quant à elle fait volte-face récemment sur son adhésion à la CPI, traduisant les débats intenses qui traversent l’Afrique sur cette institution.
Perspectives pour l’avenir
Le retrait des pays de l’AES ouvre un champ de réflexions et d’incertitudes. La construction d’une justice africaine plus autonome apparaîtrait alors comme une priorité, soulevant selon certains experts la question d’un chantier de réforme en profondeur du droit pénal international. Il s’agit aussi d’un défi majeur pour sauvegarder la paix, la stabilité et la protection des droits humains dans une région en proie à de profondes fractures.