Le crash survenu début juillet 2025 sur l’île de Jeju, perle balnéaire de Corée du Sud, provoque toujours l’émoi. L’accident – l’un des plus graves de l’histoire coréenne récente – a coûté la vie à 71 passagers et membres d’équipage, et en a blessé une soixantaine d’autres. Dix jours après la tragédie, les familles endeuillées montent au créneau : elles contestent le rapport préliminaire des autorités, dénonçant une “enquête bâclée et partiale”, accusant la compagnie d’avoir sacrifié la sécurité sur l’autel du profit, et exigeant un audit international. Au-delà de la douleur, le drame remet en cause tout un modèle de croissance aérienne à l’asiatique.
Les faits : un crash inattendu sur la destination favorite du tourisme sud-coréen
Le vol JS-7852 reliait Séoul à Jeju, trajet quotidien parcouru par des dizaines de milliers de passagers, touristes comme travailleurs saisonniers. Ce matin-là, selon les premiers témoins, tout semblait normal jusqu’à l’approche en finale. Soudain, l’avion penche brutalement sur la droite, rate la piste, heurte le sol et s’embrase. Les secours, arrivés rapidement, n’ont pu empêcher la propagation du feu due à la rupture d’un réservoir. La majorité des survivants le doivent à la rapidité d’action du personnel navigant et de certains passagers.
Premières conclusions et vives contestations
L’agence coréenne de sécurité aérienne a publié un rapport pointant du doigt une erreur humaine : le copilote aurait mal anticipé un vent latéral exceptionnel. Mais très vite, des familles et des associations de victimes contestent cette lecture “trop rapide, trop commode”. Pour eux, l’analyse élude des carences structurelles : maintenance déficiente, formation insuffisante, pression économique sur les équipages.
Plusieurs témoignages évoquent des plaintes antérieures de salariés concernant la surcharge de vols et la fatigue chronique. “On veut faire d’un pilote un bouc émissaire, mais tout le système est malade”, s’emporte la sœur d’une hôtesse disparue.
Économie de l’aérien et paradoxe sud-coréen
Le crash soulève des questions plus larges sur l’industrie aérienne sud-coréenne, souvent citée en exemple pour sa rapidité de développement et ses tarifs accessibles. Jeju Air, devenue le principal opérateur domestique du pays, a conquis le marché avec une politique “low-cost” inspirée de ses homologues européens. Mais nombre d’experts alertent : course au rendement, sous-traitance excessive en maintenance, déficit de régulation indépendante.
La multiplication des vols courts, sous pression du tourisme intérieur et de la demande internationale, met les systèmes à l’épreuve : manque de pilotes expérimentés, vieillissement de certains appareils, résistance aux conditions météo extrêmes sur une île réputée pour ses vents traîtres.
Le besoin d’un nouveau modèle de sécurité
Les familles réclament la création d’une commission d’enquête indépendante, avec participation internationale et accès aux boîtes noires et aux rapports de maintenance. Elles organisent veillées, marches blanches et saisies collectives de la justice coréenne. L’affaire prend désormais une dimension politique : plusieurs députés de l’opposition appellent à suspendre les licences de Jeju Air et à renforcer les normes de fatigue, formation et supervision technique.
La société civile sud-coréenne, jusque-là habituée à faire confiance à la haute technologie domestique, découvre les limites d’un système trop centré sur la croissance. De nombreux éditorialistes insistent : “Dans l’aviation, la tolérance zéro doit devenir la règle, pas l’exception.”
Vers une régulation régionale ?
La catastrophe de Jeju Air pourrait servir d’électrochoc : déjà, le Japon et Taïwan examinent leurs propres procédures de sécurité, et les compagnies africaines engagées dans le low-cost s’inspirent du modèle asiatique pour ne pas répéter la même dérive. Dans une région où le transport aérien est le poumon du développement, la question de l’équilibre entre profit et sécurité devient cruciale.
