Beyrouth –
À l’heure où le Liban tente de se reconstruire sur les ruines d’une décennie de crises, les élections municipales de 2025 s’imposent comme un test grandeur nature pour la démocratie locale, la représentativité des femmes et le rôle des médias dans la société. Derrière la diversité affichée des chaînes et des titres de presse, un examen approfondi révèle la persistance de biais structurels et de discriminations, en particulier à l’encontre des femmes candidates. À travers le prisme de la couverture médiatique, c’est toute la question de l’équilibre entre liberté d’expression, pluralisme et reproduction des inégalités qui se pose.
Un paysage médiatique pluraliste… en apparence
Le Liban est souvent cité en exemple pour la pluralité de ses médias, publiés en arabe, en français et en anglais, et pour la liberté relative dont jouissent journalistes et rédactions5. Mais cette diversité cache une réalité plus nuancée : la plupart des grands médias restent sous l’influence de familles politiques ou de groupes d’intérêts, ce qui oriente la ligne éditoriale et la hiérarchie de l’information25.
À l’approche des élections municipales, la question de la couverture médiatique des candidates féminines revient au premier plan. Selon plusieurs études de la Fondation Maharat, la présence des femmes dans les débats télévisés et les segments d’information reste marginale, malgré une augmentation notable du nombre de candidates ces dernières années1. Les principaux journaux et chaînes généralistes continuent de donner la priorité aux figures masculines, perpétuant ainsi un déséquilibre historique.

Les médias, miroir des préjugés sociaux et politiques
L’analyse des élections passées montre que les médias libanais, loin d’être de simples relais de l’information, jouent un rôle actif dans la construction des représentations sociales. La liberté d’expression, censée garantir un débat ouvert et pluraliste, se transforme parfois en « liberté sélective » au service d’agendas particuliers, contribuant à la marginalisation des femmes et à la reproduction des structures de pouvoir traditionnelles1.
Ce phénomène est d’autant plus préoccupant que la société civile libanaise, très active sur les réseaux sociaux, réclame une plus grande transparence et une meilleure représentativité. Les élections de 2025 apparaissent donc comme un test décisif : les médias sauront-ils accompagner le mouvement réformiste et promouvoir l’égalité, ou continueront-ils à refléter les inégalités du passé ?
Les défis de la liberté de la presse
Selon le dernier rapport de Reporters sans frontières, le Liban a progressé de huit places dans le classement mondial de la liberté de la presse, passant de la 140e à la 132e position, porté par des « espoirs de renouveau politique »2. Mais cette amélioration reste fragile : la crise financière, la réduction des équipes rédactionnelles et la dépendance à l’aide internationale affaiblissent la capacité des médias à jouer leur rôle de contre-pouvoir.
Le rapport pointe également la persistance de tabous, notamment sur les questions religieuses et culturelles, et la domination du secteur par une poignée de groupes affiliés à des partis ou à de grandes familles. Les journalistes restent exposés à des risques importants, comme en témoignent les attaques et assassinats ciblés à la frontière sud du Liban et dans les territoires palestiniens en 2023 et 20242.
Vers une réforme du paysage médiatique ?
Face à ces défis, plusieurs initiatives émergent pour promouvoir la diversité et l’inclusion dans les médias. Des plateformes indépendantes, des collectifs de journalistes et des ONG travaillent à renforcer la formation, à promouvoir la parité et à développer des contenus alternatifs. Les réseaux sociaux offrent également un espace de visibilité inédit aux candidates et aux mouvements citoyens, même si la viralité des fake news et la polarisation restent des risques majeurs.

Les élections municipales de 2025 pourraient marquer un tournant si les médias acceptent de jouer le jeu de la transparence et de l’équité. La société libanaise, en pleine mutation, attend des médias qu’ils soient à la hauteur de leurs responsabilités historiques.
Conclusion
Le scrutin municipal de 2025 ne sera pas seulement un test pour la démocratie locale, mais aussi pour la capacité des médias libanais à se réinventer. Entre pluralisme affiché et reproduction des inégalités, le Liban doit choisir : faire de ses médias un levier de transformation ou un miroir de ses fractures.