Introduction :
Avec plus de 85 % des emplois en Afrique subsaharienne relevant du secteur informel (Banque mondiale, 2023), cette économie « de la débrouille » constitue à la fois un filet de sécurité sociale et un frein au développement inclusif. Son analyse révèle les contradictions d’un système où survie quotidienne et exploitation coexistent.
Structuration du secteur informel :
L’économie informelle africaine se divise en trois strates principales :
- Micro-entreprises familiales : Échoppes, restauration de rue, réparation d’objets.
- Services précaires : Transport artisanal (moto-taxis, boda-boda ougandais), domesticité.
- Activités illicites : Contrebande (ex. carburant entre le Nigeria et le Bénin), prostitution, piratage numérique.
Facteurs de persistance :
Plusieurs éléments expliquent la vitalité de ce secteur :
- Rigidité des marchés formels : Coûts élevés d’enregistrement des entreprises (142 % du revenu moyen au Tchad).
- Défaillance des États : Absence de protection sociale pousse à l’auto-emploi.
- Adaptabilité culturelle : Réseaux ethniques ou religieux (tontines esusu au Nigeria) facilitent l’accès au microcrédit informel.
Impact macroéconomique :
Si l’économie informelle représente jusqu’à 50 % du PIB dans certains pays (Bénin, Tanzanie), ses effets sont ambivalents :
- Avantages :
- Absorption du chômage des jeunes (60 % des 15-24 ans en Afrique subsaharienne).
- Innovation frugale (ex. réutilisation de déchets électroniques au Ghana).
- Inconvénients :
- Érosion des recettes fiscales (manque à gagner estimé à 65 milliards de dollars/an).
- Exploitation des travailleurs (pas de salaire minimum, horaires excessifs).
Politiques publiques : formalisation ou régulation ?
Les gouvernements africains adoptent des stratégies divergentes :
- Approche répressive : Le Rwanda a interdit les vendeurs ambulants à Kigali en 2016, provoquant des émeutes.
- Inclusion progressive : Le programme M-SHWARI au Kenya intègre les vendeurs informels au système bancaire via la mobile money.
- Reconnaissance légale : L’Afrique du Sud a créé un statut spécial pour les spaza shops (épiceries de township).
Étude de cas : Les kayayei du Ghana
Ces porteuses de marchandises, majoritairement des jeunes femmes issues du Nord, illustrent les paradoxes du secteur informel :
- Résilience : Gagnent jusqu’à 10 dollars/jour dans un contexte de chômage massif.
- Précarité : Exposées aux violences sexuelles et aux expulsions arbitraires.
- Organisation : Des associations comme Kayayei Youth Association militent pour l’accès à la santé et à l’éducation.