Introduction
La récente décision d’imposer l’apprentissage obligatoire du corse à l’école en Corse a déclenché une vive polémique en France : défense de l’identité régionale pour les uns, atteinte au libre choix des familles pour les autres1. Ce débat, qui traverse l’actualité hexagonale, résonne avec force sur le continent africain, où la question des langues nationales à l’école reste un enjeu majeur d’éducation, de cohésion sociale et de développement. Africanova explore les leçons à tirer du cas corse et interroge les perspectives pour l’enseignement des langues africaines, entre fierté culturelle, efficacité pédagogique et défis politiques.
La Corse, laboratoire d’une politique linguistique ambitieuse
En Corse, l’obligation d’apprendre la langue régionale vise à préserver un patrimoine menacé et à renforcer l’identité insulaire. Les défenseurs de la mesure y voient un rempart contre l’uniformisation culturelle, un outil de transmission intergénérationnelle et un facteur de réussite scolaire. Les opposants, eux, dénoncent une atteinte à la liberté de choix et craignent une marginalisation du français, langue de la République et de l’ascension sociale1.
Le débat a pris une tournure nationale, avec l’ouverture d’une enquête judiciaire après des menaces adressées à des responsables associatifs opposés à la réforme. Ce climat tendu illustre la sensibilité du sujet, entre revendications identitaires et enjeux politiques.
L’Afrique face au défi des langues nationales à l’école
Sur le continent africain, la question des langues d’enseignement est centrale. La plupart des pays ont hérité du colonialisme des systèmes éducatifs dominés par le français, l’anglais, le portugais ou l’arabe. Pourtant, des centaines de langues nationales coexistent, parlées au quotidien par la majorité de la population.
L’enseignement dans la langue maternelle est reconnu par l’UNESCO comme un facteur clé de réussite scolaire, d’inclusion et de préservation du patrimoine culturel. Mais sa mise en œuvre se heurte à de nombreux obstacles : manque de manuels, formation insuffisante des enseignants, absence de standardisation des langues, résistances politiques et sociales.

Les expériences africaines : succès et limites
Certains pays ont tenté d’introduire les langues nationales à l’école : le Mali, le Sénégal, le Burkina Faso ou encore l’Afrique du Sud ont développé des programmes bilingues ou multilingues. Les résultats sont contrastés : amélioration de la compréhension en primaire, mais difficultés d’articulation avec l’enseignement secondaire et le marché du travail, souvent dominés par la langue officielle.
La valorisation des langues africaines est aussi un enjeu de fierté et de souveraineté culturelle. Elle permet de réhabiliter des savoirs locaux, de renforcer le lien social et de lutter contre la stigmatisation des langues « vernaculaires ». Mais elle suppose un investissement massif dans la recherche, l’édition, la formation et la sensibilisation des familles.
Quelles leçons du cas corse pour l’Afrique ?
Le débat corse montre l’importance d’un dialogue apaisé entre partisans de la diversité linguistique et défenseurs de l’unité nationale. L’imposition d’une langue locale à l’école doit s’accompagner de garanties pour le respect des choix individuels, d’une pédagogie adaptée et d’un effort de valorisation de toutes les langues du pays.
Pour l’Afrique, il s’agit de dépasser l’opposition stérile entre langue nationale et langue internationale : l’enjeu est de former des citoyens plurilingues, capables de s’exprimer dans leur langue maternelle, dans la langue officielle et, si possible, dans une langue internationale.
Conclusion
L’obligation d’apprendre le corse à l’école pose des questions universelles sur la place des langues dans l’éducation et la société. Pour l’Afrique, le défi est de transformer la richesse linguistique en atout pour le développement, la cohésion et la réussite de tous les élèves.