L’Asie du Sud‑Est et l’océan Indien sont redevenus le théâtre d’une rivalité stratégique décisive. La Chine et l’Inde, deux géants économiques et démographiques, y projettent leur puissance maritime, leur influence économique et leur vision du monde. Pour les pays africains riverains – Tanzanie, Kenya, Mozambique, Madagascar – ce duel d’influence offre autant d’opportunités que de risques géopolitiques.
Depuis l’ouverture des “Nouvelles routes de la soie”, Pékin a ancré sa présence dans l’océan Indien. Ports, voies ferrées, infrastructures logistiques : la Chine a transformé ce corridor maritime en système intégré reliant Shanghai à Mombasa. Ses projets, souvent financés par des prêts souverains, ont permis l’essor de grands hubs africains — Djibouti, Bagamoyo, Dar es‑Salaam — mais ont aussi nourri la crainte d’une dépendance financière.
L’Inde répond par une stratégie plus subtile, fondée sur la diplomatie et la connectivité humaine. New Delhi mise sur les liens historiques et culturels avec l’Afrique de l’Est, sur la présence de diasporas puissantes et sur le “Blue Economy Partnership”, un programme de coopération maritime lancé avec le Kenya et Maurice. Son objectif est d’assurer un contrepoids durable à l’influence chinoise.

L’océan Indien se transforme ainsi en espace de tension silencieuse, entre bases militaires, routes commerciales et câbles sous‑marins. Les États‑Unis, observateurs attentifs, encouragent cette rivalité pour limiter l’hégémonie chinoise. L’Union africaine, quant à elle, prône une neutralité prudente : elle cherche à bénéficier des deux partenaires tout en maintenant son autonomie stratégique.
Mais cette compétition va bien au‑delà de la géopolitique. Elle structure déjà l’avenir économique du continent africain. Les accords portuaires et technologiques signés avec la Chine ont permis un transfert d’infrastructures sans précédent ; ceux signés avec l’Inde misent sur la formation, la santé et les services numériques partagés.
Ce basculement de l’axe économique global vers l’océan Indien redéfinit les priorités africaines. Le futur du commerce sud‑sud se joue désormais entre Mumbai, Nairobi et Guangzhou.
Pour l’Afrique, le défi est clair : tirer parti de cette confrontation sans redevenir le champ d’influence de puissances concurrentes.