À Abidjan, mais aussi à Yamoussoukro ou Bouaké, souffle un vent nouveau : la Côte d’Ivoire s’impose comme un laboratoire du design africain contemporain. Portée par une jeunesse audacieuse, connectée et entreprenante, une nouvelle génération de créateurs – architectes, designers, stylistes, graphistes – bouleverse l’esthétique, les codes et l’économie du secteur. Cette dynamique illustre de façon saisissante la vitalité culturelle du continent et sa capacité à inventer un avenir à partir de ses propres racines.
Des espaces d’inspiration
Le quartier du Plateau à Abidjan accueille chaque mois des expositions hybrides où le mobilier traditionnel baoulé côtoie les dernières chaises modulaires design “made in Côte d’Ivoire”. Les incubateurs créatifs, comme Afric’Innov ou La Fabrique, accompagnent de jeunes talents pour le prototypage d’objets écologiques, mariant le rotin, le cuir local et les tissus colorés du nord du pays.
La “semaine du design abidjanais”, lancée en 2023, a permis de révéler des figures aujourd’hui incontournables : la designer Estelle Kouamé (mobilier en pneus recyclés), le collectif Kôkô-Dounia (arts numériques et économies circulaires), ou encore Alain Wognin, architecte du premier hôtel éco-responsable de la lagune Ebrié.
Du local au global : la diaspora impulse le mouvement
La diaspora ivoirienne joue un rôle clé. Beaucoup de jeunes créateurs partis étudier à Paris, Montréal ou Berlin reviennent monter leurs studios à Abidjan, ramenant avec eux des savoir-faire techniques nouveaux, une vision du marché international et des réseaux précieux. Ils réinterprètent les symboles de la tradition pour en faire des objets désirables à Londres, Johannesburg ou Tokyo. Le wax, le bogolan, et le bois de chèvrefeuille deviennent ainsi des matériaux de luxe recherchés à l’export.
Des collaborations fleurissent avec des enseignes européennes, des collectivités locales et des ONG, renforçant la réputation ivoirienne d’avant-garde – notamment dans la mode et l’écodesign.

Nouvel écosystème, nouveaux défis
Si la scène créative ivoirienne séduit de plus en plus d’investisseurs et de médias, elle reste confrontée à de nombreux défis : formation professionnelle inadaptée, financement souvent instable, difficultés d’accès au marché pour les femmes et les jeunes designers de l’intérieur du pays. La protection de la propriété intellectuelle demeure un enjeu majeur, tout comme la nécessité de fédérer les acteurs pour structurer la filière.
Le succès de certaines personnalités offre pourtant un modèle. Les ateliers de formation, l’ouverture de boutiques collectives, ou la mutualisation des outils de production permettent à l’écosystème d’innover et d’éviter l’éparpillement.
Vers un design identitaire et inclusif
Ce bouillonnement créatif traduit l’ambition d’une nouvelle génération : “Donner à voir l’Afrique comme elle est, et non comme on la fantasme”, explique la styliste Christelle Amani. Entre regard sur l’héritage et projection dans un futur où l’Afrique sera sa propre référence, le design ivoirien ouvre la voie à une conception du luxe, de la fonctionnalité et de la beauté portées par les valeurs — et les besoins — du continent.