Chapô
En 2025, l’Afrique s’impose comme l’un des épicentres de la mobilisation mondiale pour la justice climatique. Des campus universitaires de Dakar à ceux de Nairobi, des ONG aux mouvements citoyens, la jeunesse africaine exige que le continent, victime majeure du réchauffement, devienne acteur central des négociations internationales. Face à l’inaction des grandes puissances, les revendications se radicalisent. Les gouvernements africains, eux, sont sommés d’agir, entre pression internationale, contraintes économiques et urgence sociale.
Afrique, continent en première ligne
L’Afrique ne représente que 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, mais subit de plein fouet les conséquences du dérèglement climatique : sécheresses au Sahel, inondations dans le bassin du Congo, cyclones dévastateurs à Madagascar et au Mozambique, avancée du désert, insécurité alimentaire. Selon la Banque mondiale, 118 millions d’Africains pourraient basculer dans l’extrême pauvreté d’ici 2030 à cause du climat.
Dans ce contexte, la notion de justice climatique – qui exige que les pays les moins responsables du réchauffement soient soutenus et indemnisés – est devenue le mot d’ordre des mobilisations africaines.
« Nous ne voulons pas être les victimes silencieuses du changement climatique. L’Afrique doit être au centre des solutions », martèle Aïssatou Diop, porte-parole du collectif panafricain Youth4Climate.
Une mobilisation universitaire sans précédent
Depuis début 2025, les universités africaines sont le théâtre d’une mobilisation inédite. À l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, à Makerere (Ouganda), à l’Université de Nairobi, des milliers d’étudiants organisent des sit-in, des marches et des débats publics.
Objectifs :
- Exiger l’intégration de la justice climatique dans les politiques nationales et africaines.
- Demander des investissements massifs dans l’adaptation : agriculture résiliente, accès à l’eau, énergie verte.
- Réclamer la fin des projets extractivistes polluants imposés par des multinationales étrangères.
« Nous voulons des bourses pour la recherche climatique, un fonds africain pour l’innovation verte, et la création d’un tribunal climatique continental », explique Moustapha Sow, doctorant à Bamako.
ONG, mouvements citoyens et réseaux sociaux
Les ONG africaines, telles que Climate Justice Africa, Greenpeace Africa, ou la Fondation Wangari Maathai, multiplient les campagnes de sensibilisation, les actions de plaidoyer et les recours juridiques. Les hashtags #JusticeClimatiqueAfrique et #AfricaForFuture sont devenus viraux, mobilisant des millions de jeunes sur TikTok, Instagram et X (ex-Twitter).
Des actions de désobéissance civile émergent : blocages de sites miniers en RDC, occupations de sièges de compagnies pétrolières au Nigeria, boycotts d’événements sponsorisés par des pollueurs.
« L’Afrique ne sera pas la poubelle du monde. Nous refusons les fausses solutions et l’écoblanchiment », dénonce la militante kényane Wanjiru Kamau.
Les États africains sous pression
Face à la montée en puissance de la contestation, les gouvernements africains oscillent entre soutien affiché et répression. Certains pays, comme le Maroc, le Rwanda ou l’Afrique du Sud, investissent massivement dans les énergies renouvelables et l’adaptation. D’autres, dépendants des revenus pétroliers ou miniers, freinent des quatre fers.
À la veille de la COP30, prévue à Addis-Abeba, l’Union africaine tente d’unifier la voix du continent pour exiger :
- La mise en œuvre du Fonds pour les pertes et dommages promis à la COP27.
- L’annulation de la dette climatique des pays africains.
- Un transfert massif de technologies vertes.

Mais la fragmentation politique, la faiblesse des institutions et la pression des lobbies freinent les avancées.
Justice climatique : le tournant juridique
En 2025, plusieurs ONG africaines ont déposé des recours devant la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, accusant des États et des multinationales de « crime climatique ». En Afrique du Sud, un tribunal a condamné une compagnie charbonnière à indemniser des riverains pour pollution de l’air. Au Nigeria, une action collective vise Shell pour destruction de mangroves.
Ces initiatives juridiques, inédites à cette échelle, pourraient faire jurisprudence et inspirer d’autres régions du monde.
Analyse : vers une nouvelle géopolitique du climat
L’Afrique ne veut plus être spectatrice. La montée en puissance des mouvements pour la justice climatique bouleverse la diplomatie traditionnelle : le continent exige désormais un siège à la table des décisions, la reconnaissance de sa vulnérabilité et de ses droits.
Mais la bataille sera rude. Les grandes puissances, qui tardent à respecter leurs engagements financiers, redoutent une coalition sud-sud plus offensive. La jeunesse africaine, elle, promet de maintenir la pression, convaincue que l’avenir du continent – et du monde – se joue sur le terrain de la justice climatique.