Résumé de l’actualité
La Chine a franchi un pas décisif dans sa politique d’ouverture envers l’Afrique : depuis le 1er juin 2025, 53 pays africains bénéficient d’une suppression quasi totale des droits de douane sur la quasi-totalité de leurs exportations vers le marché chinois. Cette mesure, annoncée lors du dernier Forum sur la Coopération sino-africaine (FOCAC) à Pékin, marque une nouvelle étape dans la relation commerciale entre la Chine et le continent africain. Les gouvernements et exportateurs africains saluent cette décision, qui pourrait transformer l’économie du continent, mais certains experts appellent à la prudence.
Contexte et faits saillants
Depuis le début des années 2000, la Chine s’est imposée comme le premier partenaire commercial de l’Afrique, dépassant l’Union européenne et les États-Unis. En 2024, les échanges commerciaux sino-africains ont atteint un record de 254 milliards de dollars, selon les chiffres du ministère chinois du Commerce. Toutefois, la balance reste largement déficitaire pour l’Afrique, qui exporte principalement des matières premières (pétrole, minerais, cacao, café) et importe des produits manufacturés chinois.
La suppression des droits de douane concerne 98 % des lignes tarifaires pour les 53 pays africains les moins avancés, dont le Nigeria, l’Éthiopie, le Kenya, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Sénégal, le Bénin, le Rwanda, le Togo, le Burkina Faso, le Mali et bien d’autres. Les produits concernés vont des denrées agricoles (cacao, café, thé, fruits, légumes, coton, arachides) aux minerais, textiles, produits de la pêche, et certains biens manufacturés.
Objectifs affichés par la Chine
- Renforcer la coopération Sud-Sud et soutenir le développement économique de l’Afrique.
- Diversifier les sources d’approvisionnement de la Chine, notamment dans un contexte de tensions commerciales avec l’Occident.
- Soutenir la stabilité économique des partenaires africains, pour sécuriser les investissements chinois sur le continent.
- Répondre aux critiques internationales sur le déséquilibre des relations commerciales sino-africaines.
Réactions africaines
Les gouvernements africains ont unanimement salué cette mesure. Le président ghanéen Nana Akufo-Addo a parlé d’« une opportunité historique pour l’Afrique de transformer ses économies et de créer des emplois ». Au Nigeria, la Chambre de commerce estime que les exportations agricoles pourraient doubler d’ici 2027. Au Kenya, les producteurs de thé et de fleurs anticipent une croissance de 20 à 30 % de leurs ventes vers la Chine.
Dans les ports d’Abidjan, de Lagos et de Mombasa, l’effervescence est palpable. De nombreuses coopératives agricoles se préparent à augmenter leur production, tandis que des entreprises de transformation investissent dans de nouvelles chaînes de montage pour répondre aux normes chinoises.
Enjeux et défis
Malgré l’enthousiasme, plusieurs défis persistent :
- Capacité de production : la plupart des pays africains exportent encore des matières premières brutes. Pour profiter pleinement de l’accès au marché chinois, ils doivent investir dans la transformation locale (chocolat, textile, jus de fruits, etc.).
- Normes sanitaires et qualité : la Chine impose des standards stricts, notamment pour les produits alimentaires. Beaucoup de producteurs africains doivent moderniser leurs installations et obtenir des certifications internationales.
- Logistique et infrastructures : l’acheminement des produits vers la Chine reste coûteux et complexe, en raison du manque d’infrastructures portuaires et de transport sur le continent.
- Risque de dépendance : certains économistes africains mettent en garde contre une dépendance accrue vis-à-vis du marché chinois, au détriment de la diversification des partenaires commerciaux.
Témoignages

Koffi Kouamé, directeur de la coopérative Cacao Plus à Abidjan :
« C’est une opportunité inespérée pour nos producteurs. Nous voulons exporter du chocolat fini, pas seulement des fèves. Mais il faut que l’État investisse dans la formation et l’équipement. »
Amina Abdullahi, exportatrice de thé au Kenya :
« La demande chinoise est énorme, mais il faut respecter leurs normes. Nous avons lancé un programme de certification biologique pour accéder à ce marché. »
Analyse et perspectives
La suppression des droits de douane par la Chine pourrait transformer les économies africaines, à condition que les États investissent dans la transformation, la logistique et la qualité. La concurrence sera rude : le Vietnam, l’Indonésie et d’autres pays asiatiques bénéficient déjà d’accords similaires avec Pékin.
À long terme, cette mesure pourrait accélérer l’intégration de l’Afrique dans les chaînes de valeur mondiales, renforcer l’industrialisation du continent, et créer des millions d’emplois. Mais elle pourrait aussi accroître la rivalité entre la Chine et les puissances occidentales sur le continent, notamment dans le contexte de la transition énergétique et de la ruée vers les minerais stratégiques.
Les ONG de développement appellent à une vigilance accrue pour éviter que cette ouverture ne profite qu’aux grandes entreprises, au détriment des petits producteurs. Elles recommandent également d’investir dans l’éducation et la formation pour permettre aux jeunes Africains de saisir les nouvelles opportunités.