La situation politique au Kenya s’est considérablement tendue après une série de manifestations massives organisées dans plusieurs grandes villes du pays, dont Nairobi, Mombasa et Kisumu. Le gouvernement du président William Ruto a qualifié ces mobilisations de « tentative de coup d’État », une accusation qui a suscité de vives réactions dans la classe politique et au sein de la société civile kényane.
Les manifestations, initiées par l’opposition et des mouvements citoyens, ont rassemblé des dizaines de milliers de personnes autour de revendications économiques et sociales : baisse du coût de la vie, lutte contre la corruption, réforme du système électoral et meilleure redistribution des richesses. Les cortèges, pacifiques dans leur grande majorité, ont été marqués par quelques incidents violents, notamment des affrontements entre manifestants et forces de l’ordre, ainsi que des actes de vandalisme.
Le ministre de l’Intérieur, dans une allocution télévisée, a affirmé que les organisateurs des manifestations cherchaient à « déstabiliser le pays » et à « renverser le gouvernement légitimement élu ». Il a annoncé l’arrestation de plusieurs leaders de l’opposition et la mise en place de mesures de sécurité renforcées dans les principales villes. Ces déclarations ont immédiatement été dénoncées par les partis d’opposition et les organisations de défense des droits de l’homme, qui y voient une « instrumentalisation politique » de la situation.
L’opposition, emmenée par Raila Odinga, a réaffirmé son droit à manifester et dénoncé une « dérive autoritaire » du pouvoir. « Nous ne sommes pas des putschistes, mais des citoyens qui réclament justice et dignité », a déclaré Odinga lors d’une conférence de presse. Les réseaux sociaux ont été inondés de messages de soutien aux manifestants, tandis que des vidéos montrant des violences policières ont circulé massivement, provoquant l’indignation de l’opinion publique.
La communauté internationale a réagi avec prudence. Plusieurs ambassades, dont celles des États-Unis, de l’Union européenne et du Royaume-Uni, ont appelé au respect des droits fondamentaux et à la retenue de toutes les parties. L’Union africaine, de son côté, a proposé sa médiation pour éviter une escalade de la violence.
La crise politique au Kenya intervient dans un contexte économique difficile. Le pays, déjà lourdement endetté, fait face à une inflation galopante, à la hausse du prix des denrées alimentaires et à un chômage massif, particulièrement chez les jeunes. Les réformes économiques promises par le gouvernement tardent à produire des effets tangibles, alimentant le mécontentement populaire.
Les experts soulignent que la situation actuelle rappelle les crises politiques qui ont secoué le Kenya lors des précédentes élections, notamment en 2007 et 2017. La polarisation de la société, l’instrumentalisation des tensions ethniques et la fragilité des institutions démocratiques constituent des défis majeurs pour la stabilité du pays.
Dans les jours qui suivent, le gouvernement a annoncé la tenue d’un dialogue national, mais les conditions posées par l’opposition – notamment la libération des personnes arrêtées et l’ouverture d’une enquête indépendante sur les violences policières – restent un point de blocage. La société civile, quant à elle, multiplie les initiatives de médiation et de plaidoyer pour éviter une dérive autoritaire.
La crise kényane illustre les défis de la gouvernance démocratique en Afrique, où la pression sociale, la mauvaise gestion économique et la fragilité des institutions peuvent rapidement dégénérer en crises politiques majeures. L’issue des négociations en cours sera déterminante pour l’avenir du pays et pour la crédibilité de la démocratie sur le continent.