Un 1er mai sous le signe de la revendication sociale
À l’occasion de la Journée internationale des travailleurs, le 1er mai 2025, l’Afrique a connu une vague de mobilisations sociales d’une ampleur inédite depuis la pandémie de COVID-19. Dans de nombreuses capitales et grandes villes du continent, des cortèges syndicaux, des rassemblements de travailleurs indépendants, de fonctionnaires, d’ouvriers du secteur informel et de jeunes diplômés ont investi les rues pour porter haut leurs revendications. Cette journée, symbole universel de la lutte pour les droits sociaux, a été marquée cette année par une forte exigence de justice sociale, de dignité au travail et de réformes structurelles.
Des revendications multiples, reflet des réalités africaines
Les principales revendications exprimées lors de ces mobilisations couvrent un large spectre : augmentation des salaires, amélioration des conditions de travail, accès à la protection sociale, lutte contre le chômage des jeunes, égalité femmes-hommes, respect du droit syndical et lutte contre la précarité. Dans plusieurs pays, la question du coût de la vie et de la flambée des prix des denrées de base a été au cœur des discours syndicaux, en particulier au Nigeria, au Sénégal, en Afrique du Sud et en Égypte.
Les travailleurs du secteur informel, qui représentent plus de 80% de la population active africaine selon l’Organisation internationale du travail (OIT), ont été particulièrement visibles dans les cortèges. Ils réclament une reconnaissance de leurs droits, un accès à la sécurité sociale et une meilleure protection contre les abus et l’exploitation. Les syndicats ont également insisté sur la nécessité de réformer les systèmes de retraite, d’élargir l’accès à la santé et de garantir la sécurité au travail, notamment dans les secteurs à risque comme la construction, les mines et l’agriculture.
Mobilisations emblématiques et réponses gouvernementales
À Lagos, plus de 50 000 personnes ont défilé sous la bannière de la Nigerian Labour Congress, exigeant une revalorisation du salaire minimum et une régulation plus stricte des plateformes numériques de travail. À Dakar, les syndicats ont organisé des sit-in devant le ministère du Travail, appelant à la fin des contrats précaires et à la titularisation des agents publics. En Afrique du Sud, la COSATU a mobilisé ses membres autour de la question du chômage des jeunes et de la lutte contre le racisme au travail.
Face à ces mobilisations, les réponses gouvernementales ont été contrastées. Certains États, comme le Ghana ou le Maroc, ont annoncé des mesures d’apaisement : ouverture de négociations salariales, promesses d’investissement dans la formation professionnelle, ou encore extension de la couverture santé universelle. D’autres, au contraire, ont réagi par la répression ou la limitation du droit de manifester, suscitant des critiques de la part des ONG de défense des droits humains et des organisations internationales.
Le rôle croissant des femmes et des jeunes
La Journée internationale des travailleurs 2025 a été marquée par une participation accrue des femmes et des jeunes, qui ont pris la parole pour dénoncer les discriminations persistantes et réclamer une meilleure inclusion dans le monde du travail. Les collectifs de travailleuses domestiques, de vendeuses de marché et de jeunes diplômés sans emploi ont organisé des actions symboliques pour attirer l’attention sur leur situation.
Les syndicats féminins et les mouvements de jeunesse ont mis en avant des propositions concrètes : quotas pour l’accès des femmes aux postes de responsabilité, programmes d’apprentissage pour les jeunes, lutte contre le harcèlement sexuel au travail et accès égal aux opportunités économiques. Ces initiatives témoignent d’une évolution des pratiques syndicales, désormais plus inclusives et attentives aux nouvelles réalités sociales.
Les défis de la syndicalisation et de la transformation numérique
Un autre enjeu majeur mis en lumière lors de ce 1er mai est la nécessité d’adapter les stratégies syndicales à l’ère du numérique et de l’économie de plateforme. Les travailleurs des applications de livraison, de transport ou de services à la demande ont organisé des actions coordonnées dans plusieurs villes africaines, réclamant une régulation du secteur et la reconnaissance de leur statut de travailleurs.
La syndicalisation du secteur informel et des nouveaux métiers du numérique reste un défi, mais des avancées sont notables grâce à l’usage des réseaux sociaux, à la création de syndicats hybrides et à la mobilisation transnationale. Les experts estiment que l’avenir du syndicalisme africain passera par une meilleure intégration des travailleurs informels, des femmes et des jeunes, ainsi que par l’innovation dans les modes d’action collective.
Perspectives pour le dialogue social en Afrique
La Journée internationale des travailleurs 2025 confirme l’importance stratégique du dialogue social pour la stabilité et le développement du continent africain. Les mobilisations du 1er mai rappellent aux gouvernements, aux employeurs et aux partenaires sociaux la nécessité d’investir dans le capital humain, de promouvoir le travail décent et de renforcer les mécanismes de négociation collective.
Les organisations internationales, telles que l’OIT et l’Union africaine, encouragent la mise en place de cadres juridiques favorables à la protection des droits des travailleurs et à la promotion de l’emploi décent. L’enjeu, pour l’Afrique, est de transformer la vigueur de ses mobilisations sociales en réformes concrètes, capables de répondre aux attentes d’une population jeune, dynamique et en quête de justice sociale.