Beyrouth –
L’intelligence artificielle (IA) s’impose comme l’un des vecteurs majeurs de transformation des médias au Liban et dans le monde arabe. Entre promesses de modernisation, risques de désinformation et nouveaux défis éthiques, la révolution technologique bouleverse les métiers du journalisme, la production de contenu et la relation au public. En 2025, les professionnels et les universitaires libanais s’interrogent : l’IA peut-elle être un moteur d’émancipation pour les médias locaux, ou risque-t-elle d’aggraver les fractures existantes ?
Une révolution déjà en marche
Le Forum des études médiatiques 2025, organisé par l’Université Notre-Dame de Louaizé, a mis en lumière l’impact croissant de l’IA sur le journalisme, la publicité et la création audiovisuelle3. L’IA n’est plus un simple outil d’assistance : elle produit désormais des vidéos hyperréalistes, automatise la rédaction de dépêches et personnalise les contenus pour chaque lecteur.
Les médias libanais, confrontés à la crise économique et à la réduction des effectifs, voient dans l’IA une opportunité de rationaliser leur production et de toucher de nouveaux publics, notamment via les réseaux sociaux et les plateformes numériques. Mais cette automatisation soulève aussi des inquiétudes sur la précarisation des métiers, la perte de contrôle éditorial et la fiabilité des informations diffusées.
Les défis éthiques et professionnels
L’introduction massive de l’IA dans les médias pose des questions éthiques majeures : comment garantir la transparence des algorithmes ? Qui est responsable en cas de diffusion de fake news générées par des robots ? Comment préserver la diversité des points de vue face à la personnalisation extrême des contenus ?
Pour les journalistes libanais, la réponse passe par la formation continue, le développement d’une culture numérique critique et la mise en place de chartes éthiques adaptées à l’ère de l’IA. Les universités et les écoles de journalisme multiplient les initiatives pour sensibiliser les étudiants aux enjeux de l’intelligence artificielle et à la nécessité de préserver le rôle humain dans la vérification et l’analyse de l’information3.
L’IA, un levier pour la liberté d’expression ?
Dans un contexte où la liberté de la presse reste fragile et où certains sujets demeurent tabous, l’IA peut-elle contribuer à ouvrir de nouveaux espaces de débat ? Certains experts y voient un outil de contournement de la censure et de démocratisation de l’accès à l’information, notamment pour les jeunes générations et la diaspora libanaise très connectée5.
Mais le risque de manipulation, de surveillance accrue et de concentration du pouvoir entre les mains de quelques acteurs technologiques (GAFAM) est réel. Le rapport 2025 de RSF alerte sur la domination croissante des géants du numérique et sur la vulnérabilité des médias locaux face à la concurrence internationale2.

Vers une hybridation des métiers
Le journaliste de demain devra conjuguer compétences traditionnelles et maîtrise des outils numériques avancés. L’IA ne remplace pas le regard critique, l’enquête de terrain ou l’analyse humaine, mais elle impose une adaptation permanente des pratiques professionnelles.
Les médias libanais qui sauront tirer parti de l’IA tout en préservant leur identité, leur indépendance et leur ancrage local pourraient devenir des pionniers d’un nouveau modèle médiatique dans la région.
Conclusion
L’intelligence artificielle représente à la fois une chance et un défi pour les médias libanais. Entre innovation, éthique et résilience, le secteur doit inventer de nouvelles pratiques pour rester pertinent et crédible dans un environnement en mutation rapide.