Au Gabon, le climat politique se tend à mesure que le projet de révision constitutionnelle porté par le gouvernement d’Ali Bongo Ondimba avance à grands pas. L’opposition, réunie au sein d’une large coalition, a lancé ce 2 juin 2025 un appel à la mobilisation générale pour s’opposer à ce qu’elle qualifie de « coup de force institutionnel ». Les prochaines semaines s’annoncent décisives pour l’avenir démocratique du pays, où la rue et les institutions pourraient entrer en confrontation directe.
Le projet de révision, présenté comme une modernisation des institutions, prévoit notamment l’allongement du mandat présidentiel de cinq à sept ans, la suppression de la limitation du nombre de mandats et le renforcement des pouvoirs de l’exécutif au détriment du Parlement. Pour le camp présidentiel, il s’agit d’adapter la Constitution aux « exigences de stabilité et d’efficacité dans la gouvernance ». Mais pour l’opposition, cette réforme vise avant tout à permettre à Ali Bongo, au pouvoir depuis 2009, de se maintenir indéfiniment à la tête de l’État.
La société civile, très active sur les réseaux sociaux, relaie massivement les appels à manifester. Plusieurs syndicats, associations de jeunes et mouvements citoyens ont annoncé leur intention de descendre dans la rue dans les prochains jours. Des rassemblements sont prévus à Libreville, Port-Gentil et Franceville, malgré l’interdiction de toute manifestation non autorisée par les autorités. Les leaders de l’opposition, dont Jean Ping et Paulette Missambo, multiplient les réunions publiques et les déclarations dans la presse pour mobiliser leurs partisans.
La tension est palpable dans la capitale, où un important dispositif policier a été déployé autour des bâtiments officiels. Les autorités affirment vouloir garantir l’ordre public et prévenir tout débordement, mais les ONG de défense des droits humains dénoncent une « militarisation de l’espace public » et des arrestations préventives d’opposants. Amnesty International et Human Rights Watch ont appelé le gouvernement gabonais à respecter le droit de manifester et à garantir la liberté d’expression.
Le contexte politique est d’autant plus explosif que le Gabon sort à peine d’une période de crise institutionnelle, marquée par la contestation des résultats de la présidentielle de 2023 et des accusations de fraudes massives. La confiance entre les citoyens et les institutions reste fragile, et la moindre étincelle pourrait rallumer la contestation. L’opposition, qui s’était divisée lors des dernières élections, semble aujourd’hui plus unie que jamais face à ce qu’elle considère comme une remise en cause des acquis démocratiques.
Le gouvernement, de son côté, tente de rassurer la communauté internationale en promettant un dialogue inclusif et en invitant les partenaires étrangers à observer le processus de révision. Mais la plupart des chancelleries occidentales restent prudentes, appelant au respect de l’État de droit et à la retenue de toutes les parties. L’Union africaine a dépêché une mission d’observation, tandis que la France, partenaire historique du Gabon, suit la situation avec attention.
Les enjeux de cette réforme dépassent le seul cadre institutionnel. Pour de nombreux Gabonais, il s’agit d’un test pour la vitalité de la démocratie et la capacité du pays à organiser une alternance pacifique. Les jeunes, en particulier, expriment leur lassitude face à la longévité du pouvoir et réclament plus de transparence et de participation. Les réseaux sociaux, devenus un espace de mobilisation et de débat, jouent un rôle clé dans la diffusion des mots d’ordre et la coordination des actions.
À mesure que la date du vote parlementaire approche, le bras de fer s’intensifie. L’opposition menace de boycotter les travaux de l’Assemblée et appelle à la désobéissance civile si la réforme est adoptée sans consultation populaire. Le gouvernement, lui, mise sur la fermeté et la légitimité de sa majorité parlementaire. Les prochains jours seront décisifs pour l’issue de ce face-à-face, qui pourrait redéfinir l’équilibre des pouvoirs au Gabon.
La mobilisation générale appelée par l’opposition représente un moment de vérité pour la démocratie gabonaise. Si le dialogue l’emporte sur la confrontation, le pays pourrait sortir grandi de cette épreuve. Mais si la répression prévaut, le risque d’une nouvelle crise politique et sociale est réel. Le Gabon, à la croisée des chemins, doit choisir entre la consolidation de l’État de droit et la tentation de la dérive autoritaire.