Longtemps perçue comme l’une des organisations islamistes les plus structurées au monde, la confrérie des Frères musulmans continue d’intriguer et d’inquiéter en Afrique francophone. Présente dans de nombreux pays du Maghreb et d’Afrique subsaharienne, elle a su tisser des réseaux d’influence puissants, souvent discrets, mais très efficaces dans la sphère politique, économique et sociale. Depuis quelques années, la question de ses financements et de ses relais locaux est devenue un enjeu majeur pour les États africains et leurs partenaires internationaux.
Une implantation ancienne, des réseaux modernes
Les Frères musulmans, nés en Égypte dans les années 1920, ont essaimé dans toute l’Afrique francophone à partir des années 1970. D’abord via des associations caritatives, puis à travers des partis politiques, des écoles, des ONG et des mosquées, la confrérie a su s’adapter aux contextes locaux. Elle a profité des crises économiques, du vide laissé par l’État dans certains secteurs sociaux et de la montée du sentiment religieux pour s’imposer comme un acteur incontournable dans plusieurs pays, du Maroc au Sénégal, en passant par le Mali ou la Côte d’Ivoire.
Des financements sous surveillance
La question du financement des Frères musulmans est au cœur des préoccupations des gouvernements occidentaux et africains. Selon plusieurs rapports, l’organisation bénéficie de fonds en provenance du Moyen-Orient, notamment du Qatar, mais aussi de collectes locales et de dons d’entrepreneurs sympathisants. Ces ressources servent à financer des écoles, des hôpitaux, des campagnes électorales ou encore des réseaux d’aide sociale. Mais elles alimentent aussi la suspicion : certains pays, comme la France, ont renforcé leur surveillance des flux financiers en provenance de l’étranger, craignant que ces fonds ne servent à promouvoir un islam politique incompatible avec les valeurs républicaines.
L’influence politique, un enjeu de taille
En Afrique francophone, les Frères musulmans ont su investir le champ politique, souvent en créant ou en soutenant des partis islamistes. Au Maroc, le Parti de la justice et du développement (PJD) a longtemps été la principale force politique issue de la mouvance des Frères. Au Sénégal, au Mali ou en Côte d’Ivoire, des figures influentes du monde religieux entretiennent des liens plus ou moins étroits avec la confrérie. Cette influence se traduit par une capacité à mobiliser les foules, à peser sur les débats de société (éducation, place de la religion, droits des femmes) et à négocier avec les pouvoirs en place.
Une surveillance accrue, des tensions croissantes
Face à la montée de l’islamisme politique et aux risques de radicalisation, plusieurs États africains ont décidé de renforcer la surveillance des réseaux liés aux Frères musulmans. Des enquêtes sont menées sur les circuits de financement, des associations sont dissoutes, des imams sont placés sous contrôle. Mais la tâche est complexe : la confrérie sait se rendre indispensable dans le tissu social, et ses relais locaux bénéficient souvent d’une forte popularité, notamment dans les quartiers populaires et les zones rurales.
Quel avenir pour les Frères musulmans en Afrique ?
La question divise. Pour certains, la confrérie représente une menace pour la stabilité et la laïcité des États africains. Pour d’autres, elle incarne une alternative aux partis traditionnels, souvent discrédités par la corruption et l’inefficacité. Ce qui est certain, c’est que la question du financement et de l’influence des Frères musulmans restera un enjeu central dans les années à venir, à la croisée des chemins entre sécurité, politique et société.
