Bayonne, juillet 2025. Le soleil décline sur les collines du Pays basque. Dans les ruelles pavées, la clameur monte, douce et enveloppante : la 87<sup>e</sup> édition des Fêtes de Bayonne bat son plein. Pas moins de 1,2 million de personnes arpentent les ponts, habillées de blanc et rouge, sous le ballet des fanfares et des bandas. Pourtant, derrière le folklore et la joie, le dispositif de sécurité est déployé comme jamais, la surveillance omniprésente, chaque détail orchestré pour éviter le moindre débordement.
Changement d’ère : prévention, vidéosurveillance, et pacte municipal
Depuis cinq ans, les Fêtes de Bayonne étaient marquées par des affaires de violence, de harcèlement ou d’agressions nocturnes, chaque année un peu plus médiatisées. En 2025, la mairie, épaulée par la préfecture et un comité citoyen, a mis en place un plan d’action inédit : plus de 250 caméras en centre-ville, patrouilles de police municipale en relais avec la police nationale, brigades de médiateurs bénévoles, cellule psychologique ouverte 24h/24 dans le gymnase Saint-Étienne.
Dans les coulisses, le « war room » municipal surveille la fête comme un centre de gestion de crise : chaque incident est signalé par WhatsApp, chaque regroupement inhabituel analysé sur drone. Les marchands de boissons collaborent : dès qu’un jeune titube, les « anges gardiens » du réseau associatif interviennent.
Un millier de récits anonymes – la fête et la règle
Julien, 34 ans, chemise blanche et foulard rouge autour du cou, raconte son Bayonne à lui : « Quand j’étais gamin, on savait que la fête, c’était aussi les voitures brûlées, les bagarres, les rixes autour des rues sombres. Cette année, c’est la paix, j’ai vu les gamins jouer près des policiers, des vieux venir seuls à minuit regarder la danse basque sur la place. »
Sarah, bénévole de la Croix-Rouge, détaille : « Nous avions installé des tentes médicales stratégiques. Au moindre appel pour malaises, agressions verbales ou incidents, nous étions là en moins de cinq minutes. Avec les policiers, la coordination était rodée. Zéro dérapage, c’est notre victoire collective. »
Les jeunes racontent sur TikTok la fête « la plus safe de l’histoire » : vidéos de danses improvisées avec les forces de l’ordre, chorégraphies inclusives, hashtags #FiestaConfiance et #ToléranceZéro qui culminent à des millions de vues.
Dialogue intergénérationnel : écoles, ateliers et “fête verte”
Une semaine plus tard, la mairie prolonge les festivités par des ateliers civiques en école primaire et collège : “la loi, la fête, la liberté, et la frontière”. Des vidéos pédagogiques réalisées par les jeunes du centre social Bastera circulent dans les classes : comment repérer un danger ? Comment intervenir ? Qu’est-ce qu’un témoin ?
On y voit aussi des séquences sur la lutte contre l’alcoolisation précoce, le respect du consentement, la prévention du harcèlement dans les espaces publics bondés.
Des collectifs naissent : des lycéens lancent « Bayonne verte » pour dépolluer les rives après la fête. Ils montent un groupe WhatsApp pour organiser la collecte, sensibiliser sur la gestion des déchets, convaincre les bars éphémères d’abandonner le plastique. Des ateliers municipaux de réparation de vélos voient le jour durant l’été, entraînant toute une génération à inclure écologie et éthique dans l’ADN même de la fête.
Innovation sociale : médiation en direct et réseaux citoyens
Le soir, près de la grande roue, un médiateur raconte : « C’est la première fois qu’on voit autant d’écoute, de respect mutuel. Si quelqu’un s’énerve, les autres temporisent. Les réseaux citoyens, ce n’est plus juste une veille anti-dérapage : ils montent la garde pour protéger la fête, défendre les plus jeunes, apaiser les esprits. »
Des collectifs féministes distribuent des badges “Safe Place”, les portiers des bars sont formés aux gestes de désescalade. Les services sociaux municipaux reçoivent moins d’appels de parents inquiets que les années précédentes.
La technologie comme levier de confiance
L’application BayonneFête2025 permet de signaler tout incident en temps réel : harcèlement, malaise, bagarre, nuisance sonore. Les statistiques municipales montrent une baisse de 82 % des interventions musclées et aucune plainte pour agression sexuelle, une première. Des chercheurs parisiens annoncent l’étude du “modèle Bayonne” dans un grand colloque sur la gestion évènementielle européenne.
Dans les semaines suivantes, ces innovations font école. Plusieurs municipalités du Sud-Ouest envoient leurs équipes pour observer le dispositif : la fête, disent-ils, est devenue laboratoire civique.
Nouvelles traditions : l’après-fête, éducation et engagement
Fin juillet, les familles se réunissent pour nettoyer les places. Les écoles enregistrent les ateliers “fête citoyenne” comme une nouvelle tradition annuelle. Dans les discussions de quartier, on se félicite plus du “bilan sans incident” que du nombre de litres de sangria bus.
Les institutions s’interrogent : le secret, serait-ce de redonner à chaque citoyen le sentiment de surveiller, accueillir, inventer sa propre règle ? Les lycéens de Bayonne tweetent : « Pas de violence, pas de peur, juste la fête. Et si c’était la norme ? »