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Accueil Culture Fela Anikulapo Kuti : l’enfant d’Abeokuta qui a fait vibrer l’Afrique et le monde

Fela Anikulapo Kuti : l’enfant d’Abeokuta qui a fait vibrer l’Afrique et le monde

par Africanova
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Introduction

Icône de la musique africaine, génie créatif, rebelle politique et prophète du panafricanisme, Fela Anikulapo Kuti demeure, près de trente ans après sa disparition, une figure tutélaire de la culture mondiale. Né à Abeokuta, au Nigeria, en 1938, Fela a inventé l’afrobeat, un genre musical révolutionnaire qui fusionne rythmes yoruba, jazz, soul, funk et highlife. Mais Fela, c’est aussi un engagement sans compromis contre la dictature, la corruption et l’aliénation culturelle. Ce dossier retrace son parcours, analyse son apport musical et politique, et interroge la portée universelle de son héritage.

1. Abeokuta, une enfance entre tradition et modernité

1.1. Un environnement familial d’exception

Olufela Olusegun Oludotun Ransome-Kuti naît le 15 octobre 1938 à Abeokuta, dans l’État d’Ogun, au sud-ouest du Nigeria18. Il grandit dans une famille de la bourgeoisie éduquée, engagée dans les combats sociaux et politiques. Son père, Israel Oludotun Ransome-Kuti, est pasteur, directeur d’école et militant pour l’éducation, tandis que sa mère, Funmilayo Ransome-Kuti, est une figure majeure du féminisme africain et de l’anticolonialisme. Dès l’enfance, Fela est plongé dans un univers où la musique, la politique et la lutte pour la justice sociale s’entremêlent.

1.2. Premiers pas dans la musique

Fela apprend le piano et la trompette à l’école, baigné dans les chants religieux, les musiques traditionnelles yoruba et les airs de highlife, genre populaire en Afrique de l’Ouest18. Il s’imprègne aussi du jazz américain, écouté sur les radios de Lagos. Cette ouverture précoce à la diversité sonore préfigure la fusion qui caractérisera son œuvre.

2. L’éveil artistique et politique : de Londres à Lagos

2.1. Londres, la révélation du jazz

En 1958, Fela part à Londres pour étudier la médecine, mais bifurque rapidement vers la Trinity College of Music, où il approfondit la trompette et le piano8. Il fonde son premier groupe, Koola Lobitos, qui joue un mélange de highlife et de jazz. À Londres, il découvre aussi le militantisme noir et le jazz engagé de Miles Davis ou John Coltrane.

2.2. Retour au Nigeria et premiers engagements

De retour à Lagos en 1963, Fela travaille pour la radio nationale et reforme Koola Lobitos. Il commence à expérimenter une musique plus personnelle, intégrant les rythmes yoruba, le jazz, la soul et le funk. Mais c’est à la fin des années 1960, lors d’un séjour aux États-Unis, qu’il découvre le mouvement Black Power, le panafricanisme et l’activisme politique de figures comme Malcolm X ou Kwame Nkrumah35.

3. L’invention de l’afrobeat : une révolution musicale

3.1. Naissance d’un genre

De retour à Lagos, Fela Kuti fusionne les influences africaines et afro-américaines pour créer l’afrobeat256. Ce style explosif mêle polyrythmies yoruba, cuivres puissants, lignes de basse hypnotiques, solos de saxophone, chants en pidgin et improvisations jazz. Tony Allen, son batteur de génie, joue un rôle clé dans la mise au point du groove afrobeat7.

3.2. L’afrobeat, arme de libération

Pour Fela, la musique est une arme : « La musique est l’arme du futur »56. Ses morceaux, souvent longs (jusqu’à 20 minutes), sont des fresques engagées, dénonçant la corruption, la dictature militaire, l’aliénation culturelle et la misère urbaine. Il chante en pidgin, le créole anglais des faubourgs de Lagos, pour toucher le peuple et transcender les frontières ethniques27.

3.3. Le Kalakuta Republic et le Shrine

Fela fonde le Kalakuta Republic, une communauté autonome mêlant studio, maison, clinique et refuge pour les marginaux. Il y vit avec ses musiciens, ses épouses et ses proches, dans une atmosphère de liberté créative et de résistance politique. Le Shrine, son club de Lagos, devient le temple de l’afrobeat et de la contestation27.

4. Engagement politique, répression et mythe du « Black President »

4.1. Un musicien contre le pouvoir

Dans le Nigeria des années 1970, marqué par la dictature militaire, la corruption et la violence, Fela Kuti se dresse comme la voix des sans-voix. Ses chansons comme « Zombie », « Sorrow, Tears and Blood », « Coffin for Head of State » ou « International Thief Thief (I.T.T.) » dénoncent frontalement l’armée, les élites et les multinationales257.

4.2. Répression, prison et tragédies

Fela subit la répression : son domicile est incendié lors d’un raid militaire en 1977, sa mère, Funmilayo, est défenestrée et meurt de ses blessures27. Il est arrêté, torturé, emprisonné à plusieurs reprises. Mais il ne cède jamais, utilisant chaque épreuve pour nourrir sa musique et son combat.

4.3. Le panafricanisme comme horizon

Fela Kuti se revendique panafricaniste. Il renomme son groupe Nigeria 70 puis Africa 70, puis Egypt 80, prônant l’unité africaine et la fierté noire37. Il troque le yoruba pour le pidgin afin de toucher toute l’Afrique de l’Ouest. Son engagement dépasse la musique : il milite pour la renaissance africaine, la souveraineté culturelle et la décolonisation des esprits3.

5. Fela et le monde : influence, postérité et héritage universel

5.1. Une icône mondiale

Fela Kuti devient une star mondiale dès la fin des années 1970, enchaînant les tournées en Europe, aux États-Unis, au Japon. Il tisse des liens particuliers avec la France, où il enregistre et se produit régulièrement9. Sa musique séduit les amateurs de jazz, de funk, de rock et de musiques du monde.

5.2. L’afrobeat, matrice de la musique contemporaine

L’afrobeat a influencé des générations d’artistes : Angélique Kidjo, Burna Boy, Stromae, Paul Simon, Questlove, Erykah Badu, et bien sûr ses fils Femi et Seun Kuti, qui perpétuent et réinventent l’héritage familial5. Le genre a donné naissance à l’afro-funk, à l’afro-house et irrigue aujourd’hui l’afropop et l’afrobeats nigérians.

5.3. Un symbole de résistance et d’émancipation

Fela est célébré comme un héros de la contre-culture, un modèle d’engagement pour la jeunesse africaine et mondiale. Son message de liberté, de justice et de retour aux sources résonne avec les luttes contemporaines contre la corruption, la violence d’État et le néocolonialisme35.

6. Fela aujourd’hui : mémoire, célébrations et actualité de la pensée

6.1. Felabration et musées

Chaque année, le Nigeria célèbre Felabration, un festival international qui honore la mémoire de Fela et promeut l’afrobeat. Sa maison de Lagos est devenue le Kalakuta Museum, lieu de pèlerinage pour les fans du monde entier.

6.2. L’actualité du panafricanisme

À l’heure où l’Afrique cherche à s’affirmer sur la scène mondiale, l’appel de Fela à l’unité, à la souveraineté et à la fierté noire reste d’une brûlante actualité. Sa critique du pouvoir, son humour corrosif et sa foi dans la jeunesse inspirent les mouvements citoyens et les artistes engagés.

6.3. Un héritage vivant

Fela Kuti n’est pas seulement un musicien du passé : il est une source d’inspiration pour les créateurs d’aujourd’hui, un symbole de la puissance créative africaine et un modèle pour tous ceux qui croient en la force de la musique comme instrument de transformation sociale.

Conclusion

Fela Anikulapo Kuti, l’enfant d’Abeokuta, a fait de la musique une arme de libération, de l’afrobeat un langage universel et de sa vie un combat pour la dignité africaine. Son héritage dépasse les frontières du Nigeria et de l’Afrique : il appartient à tous ceux qui rêvent d’un monde plus juste, plus libre, plus vibrant. Fela demeure un phare pour la jeunesse, un modèle d’audace, d’intégrité et de créativité. Africanova Héritages et Cultures continuera de célébrer la mémoire de ce géant, dont le souffle ne s’est jamais éteint.

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